Interview – L’ambassadeur de la RASD à Rome : «L’Italie nous soutient»
Depuis plus de quinze ans qu’il sillonne l’Italie au nom du peuple sahraoui, Omar Mih a suivi et traversé toutes les saisons politiques de la Péninsule, ses récentes évolutions et les nouvelles donnes qui la régissent et il possède une impressionnante mémoire sur le monde politique italien et ses dirigeants, tant anciens qu’actuels ; il met d’ailleurs tout ce savoir au service de son peuple et de sa juste cause.
Homme de terrain, il multiplie les initiatives d’illustration de la question sahraouie et est toujours à l’affut de conseils et de propositions émanant de ses interlocuteurs car, pour ce diplomate et militant, si parler est un besoin, écouter est un art…
Son quotidien se résumant depuis des années à rencontrer des officiels italiens, de simples sympathisants de la cause sahraouie, à expliquer, expliquer et expliquer encore sans la moindre relâche et sans aucune lassitude. Et c’est en marge d’une initiative parlementaire en soutien à la cause sahraouie qu’il a bien voulu dresser avec Algeriepatriotique, un rapide état des lieux des relations de la RASD avec les institutions italiennes.
Algeriepatriotique : Où en sont les relations entre la République sahraouie et l’Italie ?
Omar Mih : Depuis 1976, date du début de notre action politique dans ce pays, le soutien du peuple et des institutions italiens à la lutte du peuple sahraoui pour son autodétermination et pour le recouvrement de ses droits a toujours puisé dans les constantes universelles d’équité et de justice qui ont inspiré de nombreux peuples, de par le monde.
De ce fait, les relations italo-sahraouies n’ont jamais été d’ordre idéologique et ne répondent pas à des clivages de positionnement politique ; preuve en est que l’Intergroupe parlementaire italien, qui compte plus de 100 membres, a toujours été constitué de sénateurs et députés de toutes les tendances politiques ; de même les importantes résolutions adoptées en 2007 par la Chambre des députés et par le Sénat en 2014, réaffirmant notre droit à l’autodétermination, l’ont été par un vote à l’unanimité.
Comment se matérialise le soutien de l’Italie au Sahara Occidental sur le terrain ?
Le soutien de l’Italie n’a jamais cessé et s’est notamment manifesté par une aide substantielle, répondant aux besoins des camps de refugiés sahraouis et par le truchement de plusieurs initiatives, notamment l’accueil d’élèves et d’étudiants dans les écoles et universités italiennes, nous consentant ainsi de poursuivre notre effort d’alphabétisation, sans oublier le financement de microprojets pour créer les bases d’une économie locale dynamique, à même d’offrir des perspectives d’avenir à notre peuple, la promotion de l’entreprenariat féminin et la préservation de l’environnement, pour n’en citer que quelques exemples.
Partant de ce fait acquis, que j’ai tenu rapidement à vous rappeler, je puis vous dire que le résultat plus probant de cette aide, qui nous comble de fierté mais qui, en même temps nous incite à davantage d’action, ce sont ces 300 municipalités, provinces et régions qui, de manière spontanée et résolue, apportent aujourd’hui un soutien concret au peuple sahraoui et nous permettent d’envisager notre action future sous les meilleurs auspices.
La Haute Cour européenne a rendu des arrêts en faveur de la RASD pour empêcher toute spoliation des richesses des territoires sahraouis. L’Italie respecte-t-elle ou enfreint-elle ces décisions ?
L’excellence de nos relations avec l’Italie ne nous empêche pas, de temps à autre, d’engager avec nos partenaires italiens des discussions franches sur certains dossiers, à l’étude en ce moment. Je serai plus explicite : j’ai eu récemment à signifier à nos amis que la participation de l’entreprise étatique d’énergie électrique ENEL à des appels d’offres lancés par la force occupante marocaine, dans des territoires occupés au regard du droit international, de même que les activités d’entreprises italiennes dans des projets agricoles et d’autres ayant trait aux pêches constituent autant de violations du droit international et de l’arrêté de la Haute Cour européenne de justice, de 2016, qui a clairement indiqué que l’application de ces accords au territoire du Sahara Occidental violait le droit international et les engagements de l’UE. Nous avons inscrit ces discussions sur un terrain juridique mais aussi sur l’opportunité politique de cette approche et je dois reconnaître que les premiers échos ont été positifs.
L’Italie, membre non permanent à l’ONU, présidera prochainement son Conseil. Pensez-vous qu’elle pourrait aider à débloquer le processus de règlement du conflit ?
Nous avons bon espoir que l’Italie qui, depuis janvier 2017, siège en tant que membre non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, qu’elle présidera dans quelques jours, saura ébaucher avec d’autres parties un cheminement diplomatique pouvant contourner l’ostracisme de l’occupant marocain et l’entêtement de certaines capitales et consentir à notre peuple, à terme, de se prononcer dans le sens de déterminer son propre destin, en toute transparence et liberté… car, de tout temps, Rome s’est prononcée sur la question sahraouie selon ses propres convictions, loin des a priori de l’axe Paris-Madrid, qui peine toujours à saisir la portée et le sens de l’histoire et la nécessité inéluctable de parachever le processus de décolonisation en Afrique.
Propos recueillis à Rome par Mourad R.
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