Pourquoi Sarkozy a fait tuer Kadhafi, les preuves s’accumulent
Par Sadek Sahraoui – En s’appuyant sur des centaines de documents et d’indices matériels, Avec les compliments du Guide, un livre d’enquête écrit par Fabrice Arfi et Karl Laske, deux journalistes de Mediapart, revient sur le financement présumé de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par le colonel libyen Mouammar Kadhafi. Extrêmement documenté, ce livre qui vient de paraitre rend très plausible l’histoire du financement libyen de l’UMP en 2007. L’ouvrage comporte aussi le témoignage de l’ancien chef des services de renseignement extérieurs en Libye, qui raconte que les Libyens ont constaté que ce sont des agents français qui ont tué Kadhafi.
Les auteurs de Avec les compliments du Guide disent avoir enquêté pendant six ans pour justement ne pas se contenter des paroles des uns et des autres dans ce dossier, mais plutôt apporter des preuves d’une corruption gigantesque, à l’échelle d’une démocratie, par une dictature en 2007, avec plusieurs jets d’argent sale parti de Tripoli de diverses poches de dignitaires libyens pour arriver dans les poches de responsables politiques ou d’intermédiaires français. Fabrice Arfi et Karl Laske considèrent d’ailleurs aujourd’hui cette affaire comme étant probablement la plus grave de la Ve République et peut-être même aussi de celles qui l’ont précédé.
Ce dossier, qui est devant la justice française, pourra encore évoluer ? Fabrice Arfi affirme, dans un entretien accordé cette semaine à la presse française, qu’il avance grâce à des fonctionnaires courageux et indépendants. Il a cependant regretté le fait qu’il n’y ait pas un juge d’instruction détaché à temps plein sur le dossier alors que l’affaire est mondiale. «Nous nous attendons à ce que la justice fasse son travail, puisque déjà en quatre ans, malgré un manque de moyens absolument scandaleux pour une démocratie comme la France, elle a réussi à énormément documenter ce que nous racontons et avons commencé à raconter il y a six ans», a-t-il affirmé. Mais il ne répond pas à la question de savoir s’il y a blocage ou pas.
Au-delà, les deux auteurs démontrent par exemple dans leur livre que «après l’achat de l’appartement de Claude Guéant en mars 2008, quelques semaines après la visite de Kadhafi à Paris, il y a des versements bancaires qui passent par l’Arabie Saoudite, la Malaisie, derrière lesquels se cachent en réalité l’intermédiaire Alexandre Djouhri et le gestionnaire des comptes de Béchir Saleh, avec une compensation, d’ailleurs, par l’un des fonds souverains libyens». Donc là, insistent-ils, «il y a des traces monétaires, bancaires, financières, des versements dont nous parlons. A partir de là on peut très bien comprendre pourquoi Sarkozy et ses ‘amis’ ne voulaient pas que Mouammar Kadhafi sorte indemne des Printemps arabes».
Concernant justement la mort du Guide libyen, les deux auteurs indiquent qu’«il y a un certain nombre de questions aujourd’hui qui se posent, puisque personne ne sait comment précisément il est mort». «On sait qu’il a été exécuté. Et tous nos interlocuteurs dans ce dossier, qu’ils aient été militaires, barbouzes, diplomates, agents des services de renseignement, nous ont dit la même chose. C’est que Kadhafi n’avait que deux façons de terminer dans cette histoire ; c’était : mort ou mort. Et nous apportons des témoignages, pas de kadhafistes, d’anti-kadhafistes, de gens qui étaient membres du Conseil national de transition libyen, qui aujourd’hui disent que peut-être la France serait derrière l’exécution de Mouammar Kadhafi», indique Fabrice Arfi. Et d’ajouter : «Nous, nous disons que nous ne savons pas. Nous ne savons pas qui a tiré pour tuer Kadhafi. Mais une chose est certaine, en revanche, c’est que sur le lieu de sa mort il y avait beaucoup de forces spéciales françaises qui étaient au sol et que rien n’a été fait pour le garder vivant.»
S. S.
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