Jusqu’où peut aller la complaisance des Occidentaux envers Riyad ?
Par R. Mahmoudi – Fait inédit dans l’histoire des relations internationales : le Premier ministre d’un pays souverain et membre des Nations unies, en l’occurrence le Liban, est séquestré depuis bientôt une semaine dans un autre pays, l’Arabie Saoudite, sans qu’aucune organisation internationale (ONU, Ligue arabe, OCI…) daigne s’autosaisir pour interpeller les dirigeants saoudiens sur cette affaire, alors que le président libanais, Michel Aoun, a officiellement déclaré que son Premier ministre, Saad Hariri, a bel bien été «enlevé» à son arrivée à Riyad, le 5 novembre dernier. Pourtant, ces organisations internationales doivent prévoir ce type de situation et les procédés à suivre pour les résoudre.
Plus grave encore, aucune capitale dans le monde, à l’exception de Beyrouth, n’a essayé de protester, ni d’intervenir auprès de ses ravisseurs pour le libérer. Au contraire, les différentes déclarations des dirigeants occidentaux – Donald Trump, Emmanuel Macron – semblent délivrer un blanc-seing aux Al-Saoud et les assurent de leur soutien. Un soutien justifié a priori par l’engagement anti-iranien commun qui pousse actuellement l’Arabie Saoudite à mener une nouvelle guerre par procuration contre le Hezbollah. Or, cet empressement des Al-Saoud ne semble pas arranger tout le monde. D’où ce double discours des différents responsables.
Les Américains ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils continueront à fermer les yeux sur les abus successifs que cumule le nouvel homme fort de la monarchie wahhabite, y compris donc contre la souveraineté du Liban, mais n’admettront plus un nouveau conflit israélo-libanais dans la conjoncture actuelle. C’est ce qu’a déclaré, samedi, le secrétaire d’Etat, William Tillerson, en prévenant les Israéliens contre toute nouvelle aventure au Liban. C’est pourquoi Washington et ses alliés feront tout pour circonscrire cet accès de fièvre des Al-Saoud dans son cadre domestique, voire familial, et éviter qu’il dégénère en conflit majeur aux conséquences incalculables.
Pour désamorcer la crise, Français et Américains devraient aider les Al-Saoud à les dépêtrer de ce scandale international. Le Président français, après avoir été reçu à Riyad – de retour d’Abu Dhabi où il avait signé de contrats juteux – multiplie les contacts avec les deux parties, saoudienne et libanaise, pour essayer de trouver un dénouement heureux à la crise, sans, bien sûr, que l’Arabie Saoudite perde la face.
Selon des indiscrétions rapportées par la presse, Paris se proposerait même d’accueillir Saad Hariri pour le montrer en homme libre, le temps que les tensions retombent dans la région et que le nuage passe.
R. M.
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