Carnegie : l’approche algérienne en matière de déradicalisation servira de modèle mondial
L’expérience algérienne en matière de déradicalisation servira de modèle de référence pour d’autres initiatives de désengagement dans le monde, a indiqué le centre Carnegie pour le Moyen-Orient dans une analyse publiée vendredi dernier intitulée «Une vie après le djihadisme». Si, jusqu’ici, «il n’existe aucun modèle ou programme idéal pour le désengagement des djihadistes, (…) l’expérience algérienne constitue un point de départ utile pour développer des initiatives de déradicalisation ailleurs» dans le monde, souligne ce centre basé à Beyrouth et relevant du think tank washingtonien Carnegie Endowment for International Peace. Et d’ajouter : «Une leçon doit être tirée de l’expérience algérienne, c’est que la réponse militaire n’est pas suffisante en soi», car «le djihadisme est avant tout un phénomène social» et, par conséquent, l’incapacité à l’affronter sur le plan social pourrait l’aider à resurgir sous une autre forme.
En Algérie, les autorités ont «retenu une approche très différente en adoptant des méthodes plus conciliantes, y compris une trêve, un processus de réconciliation nationale, des programmes de désengagement et de réhabilitation ainsi que des investissements dans le développement», explique Dalia Ghanem-Yazbeck, l’auteur de l’analyse. «Aujourd’hui, l’Algérie, avec la combinaison d’approches rigoureuses et douces (à la fois), fournit un exemple réussi pour neutraliser» le terrorisme, relève-t-elle. En 1995, «le retour de l’Algérie au processus politique pluraliste a permis la réintégration de toutes les parties dans la vie politique» en accordant aux «égarés» une voie pacifique pour s’exprimer en alternative à la violence, note l’analyste.
La loi sur la rahma (clémence) a incité près de 2 000 «terroristes» à déposer les armes durant la période 1995-1996. De manière plus significative, les efforts de réconciliation se sont poursuivis par l’adoption en 1999 de la loi sur la concorde civile et ont été couronnés en 2005 par la charte pour la paix et la réconciliation nationale, adoptée par référendum populaire, rappelle encore l’analyste. Le dispositif offre l’extinction de toutes les poursuites judiciaires contre les terroristes qui acceptent de déposer les armes, à l’exception des personnes ayant participé à des crimes, des massacres, à des attentats explosifs ou à des viols.
Au total, 7 000 terroristes, en plus d’autres groupes, ont renoncé aux armes et accepté de rentrer chez eux. «Ce processus a permis de restaurer la foi et la confiance des Algériens en leurs dirigeants», constate l’analyste. La charte a contribué à contrer la rhétorique extrémiste en donnant l’occasion aux repentis de s’exprimer sur les effets négatifs de l’action terroriste et en les encourageant à parler publiquement de leurs expériences dans les groupes armés et des raisons de leur désengagement, met-t-elle en exergue. L’appel des repentis à mettre un terme à la violence a aussi contribué à «humaniser» les terroristes qui n’avaient pas encore rendu les armes et à dissuader les candidats au terrorisme de rejoindre des groupes extrémistes.
Le dispositif a été assorti de compensations financières en faveur des «victimes de la tragédie nationale», y compris aux familles des terroristes, souligne le think tank, qui relève que la réhabilitation professionnelle des repentis visait à les réintégrer dans la société. «La compensation financière et les possibilités d’emploi visaient à limiter les difficultés économiques et à décourager la récidive, en offrant aux repentis un sentiment d’appartenance et de citoyenneté», écrit Carnegie. «Les initiatives du gouvernement ont privé les djihadistes d’un vivier de recrutement potentiel en offrant une alternative au djihadisme», conclu le think tank.
R. N.
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