Réalité travestie
Par Sadek Sahraoui – Que va encore dire Mohammed VI pour justifier les quinze pauvres malheureuses personnes mortes dimanche à Essaouira pour s’être battues pour un morceau de pain ? Prétendre que c’est encore un coup fomenté par les services algériens destiné à déstabiliser son royaume ? Bien que ridicule, il en serait bien capable. Il est de toutes les façons à court d’arguments.
Mais combien sont-ils vraiment prêts aujourd’hui à croire ce bonimenteur ? Malheureusement pour lui, bien peu, même si une grande partie de la presse française travaille avec un incroyable zèle à travestir la réalité marocaine. Le roi est désormais nu.
Les dramatiques événements du Rif ont révélé à la face du monde que le Maroc se trouve presque dans le même état de développement que l’avait laissé Hassan II, c’est-à-dire un royaume moyenâgeux dont les contrées profondes sont abandonnées et meurent de faim. Dans le Maroc du XXIe siècle, on s’entretue pour une bouchée de pain. Voilà le modèle de développement que le Makhzen aspire exporter en Afrique subsaharienne. Affligeant et en même temps triste. Le peuple marocain mérite certainement un meilleur sort.
Le soulèvement du Rif, les protestations récurrentes dans les grands centres urbains marocains constituent la preuve irréfutable que le Maroc prospère dont parle Mohammed VI se limite à ses palais, ses colossaux comptes en banque et aux somptueux domaines de ses zélés courtisans du Makhzen.
Quand il parle de son pays, le rejeton de Hassan II vante en réalité les mérites et la beauté d’un Maroc utile dont la population se limite à quelques milliers d’âmes, par opposition à un Maroc des «gueux» qu’il est permis d’asservir, d’affamer, d’humilier et de donner en guise d’offrande au dernier des prédateurs sexuels européens. Qui ne garde pas en mémoire cette image insoutenable, mais ô combien dégradante de ces femmes-mulets qui meurent piétinées à la frontière avec Ceuta pour quelques malheureux euros.
Complices de l’asservissement des Marocains, les médias français ne se sont bien sûr jamais réellement attardés sur l’envers du décor marocain. Au contraire, ils ont contribué à construire une image idyllique d’un royaume alaouite, un Maroc factice qui n’existe que dans les fantasmes de Mohammed VI. Rattrapé par la réalité, ce Maroc-là est aujourd’hui en train de s’écrouler comme un château de cartes. En fait, tout n’est que mystification de ce pays où les signes avant-coureur d’une révolte généralisée sont des plus palpables. Le Maroc profond crie sa douleur. Cela s’entend à des milliers de lieues.
S. S.
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