Des études de Bruxelles sur les musulmans font le jeu des intégristes
Par Sadek Sahraoui – Le très prolifique auteur français Philippe d’Iribarne est persuadé que les études commandées par Bruxelles sur les musulmans d’Europe sont très mal menées et ne travaillent pas en réalité les intérêts de la communauté ciblée. Pis encore, elles font le jeu des islamistes dans la mesure où «l’intensité de la pression sociale dans certains quartiers où les musulmans tendent à régenter les tenues» et les conduites ne sont jamais évoquées. Ces études ne se demandent jamais pourquoi aussi il existe un tel contraste entre une grande majorité de musulmans qui déclarent ne jamais se sentir discriminés et une petite minorité intensément» qui déclare l’être.
Philippe d’Iribarne fait en particulier allusion à un rapport rendu public récemment par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) sur l’islamophobie et la question de l’intégration des musulmans en Europe. Le texte, intitulé «Second European Union Minorities and Discrimination Survey. Muslims – Selected finding» (septembre 2017), analyse les réponses de 10 527 personnes qui s’identifient elles-mêmes comme musulmanes dans quinze pays de l’Union.
Dans une tribune publiée hier dans Le Figaro, Philippe d’Iribarne estime que les auteurs de ce rapport ont voulu à tout prix démontrer que les musulmans sont ostracisés et victimes de discriminations alors que ce n’est pas le cas dans la majeure partie des cas. «Quand des sentiments de haine sont évoqués par le rapport, c’est toujours envers les musulmans et jamais provenant d’eux». Il est question de «harcèlement provoqué par la haine», de «harceleurs motivés par la haine». La place que tient la haine envers l’Occident au sein du monde musulman n’est jamais évoquée», regrette-t-il. Philippe d’Iribarne fait remarquer que «le fait que ceux qui se déclarent le plus discriminés soient aussi ceux qui déclarent le moins d’attachement à la société d’accueil est interprété, comme si cela allait de soi, comme une relation de cause à effet».
Or, soutient-il, la réalité est autre. «Ce serait ceux qui sont le plus discriminés qui, pour cette raison, s’attacheraient le moins à la société qui les accueille. Cette relation à sens unique est postulée, en particulier quand il s’agit de radicalisation islamiste. Il n’est pas envisagé qu’on ait affaire à un effet inverse : une attitude de rejet de la société d’accueil liée à une conception “dure” de l’islam, engendrant à la fois des comportements qui suscitent des réactions négatives et une tendance à interpréter ces réactions comme des discriminations», explique l’auteur français.
Philippe d’Iribarne dit ne pas croire également pourquoi l’étude de l’Union européenne ne se demande jamais pourquoi il existe un tel contraste entre une grande majorité de musulmans qui déclarent ne jamais se sentir discriminés et une petite minorité qui déclare l’être intensément. Pour lui, ce contraste montre que l’on n’a pas affaire à des réactions globales à l’égard des musulmans en tant que tels, mais à des réactions différenciées, ce qui suggère que les manières d’être de chacun, considérées dans leur grande diversité, ont un rôle majeur.
«Pourtant l’étude affirme, comme si cela allait de soi, que les barrières à une pleine inclusion des musulmans dans les sociétés européennes ne sont imputables qu’à ces sociétés et sont exclusivement dues à la discrimination, au harcèlement, à la violence motivées par la haine, la fréquence des contrôles policiers…» Ce sont ces expériences qui peuvent à la longue réduire l’attachement des populations concernées au pays où elles résident, soutient l’étude.
D’ailleurs, rappelle Philippe d’Iribarne, le communiqué de presse diffusé à la suite de la parution de l’étude indique, comme première solution aux problèmes d’intégration des musulmans, «des sanctions efficaces contre les violations de la législation de lutte contre la discrimination».
Or, l’auteur de la tribune publiée dans Le Figaro avertit que c’est l’erreur à ne pas faire. «Alors que l’intention affichée par l’étude, comme de manière générale à la famille d’études à laquelle elle appartient, est d’être au service d’une meilleure intégration des musulmans, son effet tend à être exactement inverse. Elle incite les musulmans à croire, à tort, que leurs efforts d’intégration sont vains et donc à nourrir du ressentiment et à les détourner d’accomplir de tels efforts», souligne-t-il.
Pour Philippe d’Iribarne, il est clair que «l’étude sert involontairement, par ailleurs, les stratégies des islamistes militants qui travaillent à la construction d’une contre-société islamique hostile aux pays d’accueil et, plus généralement, à l’Occident».
S. S.
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