Contribution – Macron à Alger : Kamel Daoud comme butin de guerre
Par Youcef Benzatat – Kamel Daoud et Chelghoumi ont ceci de commun : le premier monnaye une posture, quand l’autre est coopté pour faire modèle. A la manière dont la mode est administrée par le mannequinat.
A présent que Sifaoui est devenu vieux jeu, un légume sans goût, fade et encombrant, il va falloir réinvestir de nouveaux appétits, de nouveaux corps frais et joviaux. La transition est réussie si on additionne Kamel Daoud, Boualem Sansal et tous les Chelghoumi en puissance, Yasmina Khadra, Djamel Debbouze, Merzak Allouache, Idir et tous ceux et celles qui n’ont rien à dire sur les souffrances du peuple de la Palestine et de toute la rive sud de la Méditerranée et au-delà, à savoir tous les peuples qui souffrent de la dérive totalitaire du capitalisme mondialisé.
Remarquez qu’ils ont tous en commun un problème avec leur mémoire et leur histoire. Ils ont surtout en commun l’amour inconditionnel d’Israël et la haine de la solidarité avec les Palestiniens dans leur résistance à la colonisation. Comme si la colonisation de la Palestine n’était qu’un fantasme musulman parmi tant d’autres, dont la caractéristique commune, primordiale et essentielle est le grossier dans toutes ses variantes. La colonisation serait un fantasme grossier parmi ceux qui meublent le champ de perversion qui caractérise le musulman, dont la longueur de la jupe est le symptôme de sa maladie.
Quoi de plus grossier qu’une telle banalisation du mal ? C’est un peu comme assassiner celui qui voulait réparer la clim et reprocher à son substitut de ne pas l’avoir fait. Non ! Il n’est pas parti réparer la clim, monsieur Françafrique, il n’a pas autant de courage et de foi en son peuple, comme le fut Thomas Sankara, pour oser un tel geste suicidaire. Non ! Monsieur Kaboré n’est pas un escargot entêté. C’est juste un petit modèle parmi tant d’autres modèles dispersés dans la brousse et la savane africaine pour veiller sur les richesses minières du continent au profit du néo-colon. Il est juste parti se cacher pour soulager son humiliation face à autant de condescendance, d’arrogance et de mépris de la part de ses geôliers et ceux de son peuple.
La posture et le modèle sont deux entités dont la complémentarité est nécessaire pour l’efficacité de leur instrumentalisation. On n’a pas besoin d’un Chelghoumi rhétoricien à qui on demande de déployer un discours intelligent et convaincant. Sa fonction se limite à un accoutrement et la reproduction en boucle de la posture de la menace, de l’intimidation, et l’exigence de soumission au sens de la terreur engendrée par la dérive totalitaire du capitalisme mondialisé. Chelghoumi est assigné à faire figure de posture d’exemplarité au discours élaboré par le modèle, assigné à son tour à détruire tous les mythes de résistance à ce sens impérialiste. La posture Chelghoumi matérialise l’idiot utile qu’incarne le discours étriqué de Kamel Daoud. Un bon musulman est un Chelghoumi en puissance. Gentille, jovial, joyeux, pacifique, qui ne se mêle pas de politique, encore moins de la colonisation de la Palestine et celle de l’Afrique néocoloniale en général. C’est ce qu’ils ont en commun tous les deux : être de bons musulmans, de véritables croyants pieux. Autrement, des légumes bio.
Personne ne saura le salaire de Chelghoumi ! Contrairement à celui de Kamel Daoud, qui est affiché sur toutes les jaquettes en tête de gondole sur les rayons de librairies des grandes métropoles occidentales. En bonne moralité, une posture ne se monnaie pas. Chelghoumi n’a pas à être rémunéré publiquement, c’est immoral de l’avouer devant l’opinion, encore moins devant celle qui n’est pas forcément totalement acquise à l’imposture. C’est tout le contraire pour un objet fétiche destiné à jouer le rôle de modèle, celui d’exemplarité élevée au statut de référent à opposer à un monde musulman exécrable, dégoulinant, incapable de se défaire de son instinct animal.
Une rémunération ostentatoire booste la crédibilité au discours et renforce le modèle de référence à la posture généralisée souhaitée. Non pas celle du salut de l’humanité colonisée par son émancipation et son arrimage à la contemporanéité du monde et sa victoire sur toutes les barbaries qui font obstacle à la réalisation de cet autre fantasme à contresens. Mais celle qu’incarne le discours du modèle fétiche que Macron voudrait exposer à Alger comme un butin de guerre. La posture généralisée souhaitée en question se résume dans cette déclaration de Kamel Daoud sur sa page Facebook chroniques algériennes : «Un ami expliqua au chroniqueur que la version cheikh Chemssou laïc existe aussi : avec la même bêtise, aigreur, imbécillité et ridicule. L’un parle au nom de Dieu, l’autre au nom des années 1970 et de sa conscience politique douloureuse, et l’autre au nom de la lutte impérialiste démodée ou du berbérisme exclusif.» Selon l’adage : dis-moi qui tu fréquentes, je te dirais qui tu es. Un ami du Caucase me disait : Daoud semble avoir de mauvaises fréquentations, ou il est idiot à un point qu’il n’arrive même pas à discerner le mensonge de la vérité pour gober une telle imposture, ou alors c’est juste un opportuniste, cupide, lâche et dépourvu de dignité. Un légume plus bio que le bio. En effet, comment peut-on gober un tel mensonge, qui consiste à faire croire que la lutte anti-impérialiste est quelque chose de démodé depuis l’effondrement du totalitarisme soviétique et la fin de la guerre froide, et que l’URSS était la source de l’agression militaire dans le monde ! Ce mensonge s’est effondré à son tour par la barbarie sans retenue des impérialistes qui s’est déployée après sa dissolution. Des pays entiers ont été dévastés lorsque les puissances de l’Otan ont commencé à attaquer ou occuper des pays comme l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan, la Libye et la Syrie – ou bien les ont isolés et étranglés économiquement.
Non seulement ces guerres ont coûté des millions de vies, mais elles ont aussi forcé plus de 60 millions de personnes à fuir leurs foyers, créant ainsi la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale.
Le mensonge dévoilé au grand jour, il fallait trouver un nouveau monstre pour le substituer au péril soviétique et justifier les assauts impérialistes là où réside des richesses naturelles et des lieux stratégiques.
Le marionnettiste qui est derrière le rideau n’y va pas avec le dos du baril, il façonne une image abjecte du musulman et coopte son antidote pour achever le monstre. Soutenir et financer des réseaux terroristes au label islamiste, ouvrir les frontières aux candidats djihadistes en inondant les esprits d’images de barbarie et désigner le coupable et la sentence qu’il mérite devant l’opinion. L’antidote ne peut être forcément qu’un néo-colonisé aliéné dans la haine de soi. Celui-ci est un faible d’esprit dépourvu de sentiments humanistes et incapable d’éprouver une quelconque conscience douloureuse, quels que soient son niveau d’instruction et son acquisition de la culture politique universelle et de l’histoire en général. Dans ce cas, il est recommandé pour contribuer à la production d’un discours néocolonial cohérent d’apparence, capable de séduire un grand nombre de vulnérables parmi son peuple et même parmi d’autres peuples, qui continuent à subir ensemble la poursuite de la barbarie coloniale sous sa forme contemporaine, y compris parmi ces mêmes peuples néo-colonisateurs. Ces peuples responsables de la destruction des structures sociales, économiques, politiques et culturelles de pays entiers, de nations et de civilisations plusieurs fois millénaires, pour assouvir le plus bat instinct de l’homme, cette misérable soif de domination, de profanation, de pillage, de perversions dans l’administration de la souffrance et l’horreur à leurs victimes, sous le prétexte méprisant de vouloir leur apporter la démocratie et la civilisation.
Dans ses bagages, Macron tient son levier désinhibiteur de toute potentialité à la contestation de l’ordre impérialiste. Le discours du néo-colonisé aliéné dans la haine de soi est naturellement culpabilisateur envers les siens. En bon croyant, Kamel Daoud est neutralisé par sa propre foi à tel point qu’il est incapable de soutenir la légitimité du droit à l’athéisme, donc à la modernité. Se contentant de chasser sur le terrain de la laïcité afin de discerner le bon du mauvais musulman à revendre sur le marché des illusions. La modernité est avant tout la capacité de s’émanciper de la religion, et non pas faire bon ménage avec des Chemssou disséminés dans tous les rouages de la prédation et la soif de domination. Elle est avant tout un espace du possible où l’homme renoue avec toute la splendeur de son humanité, de sa dignité et sa liberté. Elle est surtout une posture de résistance au reflux et à toute forme de dérive qui met en péril la quiétude de l’humanité. Plaider l’impérative sortie de l’aliénation impérialiste ne devrait pas distraire du désir d’archéologie des religions pour sortir du religieux.
Y. B.
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