Contribution – De quoi la décision de Trump sur El-Qods est-elle le signe ?
Par Youcef Benzatat – La décision d’attribuer unilatéralement à Jérusalem le statut de capitale exclusive d’Israël est le signe d’une panique générale qui s’est emparée du camp impérialiste occidental. Une panique qui résulte de l’échec cuisant de leur offensive au Moyen-Orient pour la mise en œuvre de leur plan du Grand Moyen-Orient (GMO) et son corolaire le Grand Israël.
Initialement, ce plan était prévu pour détruire toutes les forces anti-impérialistes et anti-sionistes dans la région et soumettre toutes les populations locales. Contre toute attente, il s’est trouvé confronté à un camp de résistance anti-impérialiste fortement organisé et déterminé, qui a mis en échec toute leur stratégie. Y ont pris une part active la Syrie, l’Iran, le Hezbollah, la résistance palestinienne, l’Irak, l’Afghanistan, les populations de Bahreïn et du Yémen, sans oublier le soutien sans faille de l’Algérie, restée fidèle à la doctrine anti-impérialiste de sa diplomatie héritée de la Guerre de libération nationale. Avec l’entrée active de la Russie et la Chine dans le conflit, le camp anti-impérialiste s’est considérablement renforcé et a progressivement jeté les bases d’une nouvelle alliance pour la résistance à cette dérive totalitaire du camp occidental.
Désormais, l’élargissement de la solidarité avec le camp anti-impérialiste s’est mise à transcender tous les clivages religieux, politiques et identitaires. La Chine communiste, la Russie post-soviétique, le Hezbollah et l’Iran shiite, la Syrie laïque et multiconfessionnelle, avec une dominante sunnite, les différentes ethnies qui composent la population de la région, les différentes factions politiques palestiniennes qui luttent contre l’occupation sioniste, allant de l’extrême gauche aux fondamentalistes, ont mis en mouvement une solidarité cosmopolitique ayant pour objectif commun la résistance à la dérive totalitaire du camp impérialiste occidental. Une puissante résistance a vu le jour et, à sa tête, la Russie de Poutine sous une nouvelle configuration de la guerre froide. L’adhésion de la Russie, la Chine et plus largement les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et l’Afrique du Sud) a renforcé l’équilibre des forces et le statu quo né de la dissuasion nucléaire. A partir de là, le conflit est entré dans une impasse où le GMO et le grand Israël se sont vu acculés à un reflux sans précédent, traduisant un échec cuisant de l’offensive impérialo-sioniste dans la région.
Jérusalem s’est manifestée à ce moment de doute comme un symptôme, celui du sentiment d’échec et de la panique qui s’en est suivie dans le camp impérialiste occidental. Rien ne présageait une telle soudaineté et précipitation dans la décision d’attribuer unilatéralement à Jérusalem le statut de capitale exclusive d’Israël. La nouvelle de cette décision par les Etats-Unis de transférer leur ambassade en Israël à Jérusalem a été perçue comme une provocation qui a plongé l’opinion mondiale dans la stupeur et l’indignation générale. Une stupeur justifiée par l’offense sans précédent contre un haut lieu sacré représentant plus d’un milliard de musulmans.
Elle a surtout fait sortir les mouvements fondamentalistes dans la rue arabe, ouvrant ainsi une nouvelle brèche aux mouvements djihadistes dont l’intention serait de raviver le concept d’Etat islamique qui venait d’être défait par la résistance anti-impérialiste et régénérer Daech en espérant poursuivre la déstabilisation de la région et la neutralisation du camp de la résistance anti-impérialiste.
Si certaines chancelleries occidentales ont réagi avec indignation, elles aussi, à cette grave dérive envers le droit international et l’atteinte à l’éthique de la diplomatie mondiale, la France et l’Allemagne, pour ne citer que les deux puissances occidentales d’Europe, ce n’est point pour protester contre l’illégalité d’une telle initiative. Car, ces deux puissances, ainsi que la communauté européenne majoritairement, n’ont rien fait de concret à ce jour pour protester contre la violation permanente du droit des Palestiniens à disposer de leur territoire indépendant et souverain avec sa capitale Jérusalem. Si la France et l’Allemagne se sont opposées à cette décision unilatérale des Américains, il s’agit, ni plus ni moins, que d’un effet d’annonce pour atténuer la perception du caractère fascisant d’une telle décision, dont elles seraient complices, pour préserver la moralité apparente de la diplomatie occidentale. Il ne peut en être autrement, comme on l’a vu pendant la guerre du Golfe lorsque la France sous Chirac s’est opposée à l’agression de l’Irak pour finir par abdiquer et entrer progressivement dans le conflit jusqu’à devenir le principal agresseur en Syrie quelques années plus tard.
Paradoxalement, la position de ces deux pays renforce la croyance en la légitimité du djihad pour libérer les lieux saints de Jérusalem et va dans le même sens que l’objectif des Américains de vouloir régénérer Daech, en poussant les fondamentalistes à réoccuper la rue arabe pour pouvoir poursuivre la mise en œuvre du GMO et du grand Israël en instrumentalisant les mouvements terroristes.
C’est peine perdue si l’on mesure la détermination et la motivation du camp anti-impérialise de vouloir en découdre avec cette dérive fascisante du camp adverse. Le pire serait le danger potentiel que représente le risque de mettre en péril l’humanité entière si on en arrivait à une confrontation nucléaire.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’humanité était acculée à ce moment aussi aux risques que l’on sait face à la barbarie nazie. Mais la solidarité internationale avait réussi à déjouer cette dérive et détruire l’entité nazie. Il appartient à notre génération d’affronter le monstre sous son nouveau visage impérialo-sioniste pour permettre la paix dans le monde et le triomphe de la légalité internationale.
Pour ce faire, il suffit que chacun se mette à balayer devant sa porte. En tant que peuple ayant recouvert sa libération du joug colonial en enracinant sa lutte dans le mouvement anti-impérialiste du XXe siècle, nous, les Algériens, sommes soumis au devoir de réinvestir ce camp de résistance à l’impérialisme pour contribuer à l’émergence d’une solidarité internationale capable de neutraliser toute forme de reflux porteuse d’une telle idéologie fascisante. Lutter contre les forces néolibérales qui se sont emparées chez nous du pouvoir et se sont soumises au capitalisme hégémonique véhiculé par une mondialisation sauvage, fragilisant ainsi une tradition d’une longue lutte anti-impérialiste qui a débouché sur le recouvrement de notre souveraineté et notre libération nationale. Lutter contre l’obscurantisme religieux et identitaire et leurs accointances avec l’idéologie impérialiste. Comme l’a justement martelé Hocine Belalloufi : «Il revient en particulier aux forces politiques de gauche, ainsi qu’à tous les anciens militants non organisés et à tous les nouveaux militants de ce courant politico-idéologique qui émergent de forger les instruments de lutte nécessaires à la reconstruction de ce camp anti-impérialiste dans notre pays et de le doter d’une direction politique conséquente.»
Y. B.
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