Le bras d’honneur de Johnny Hallyday
Par Mesloub Khider – Il s’en est allé comme il a vécu. Il s’est propulsé vers le firmament de la célébrité grâce à la jet set. Et il s’est envolé vers le ciel du trépas dans son jet privé. Elevé à la stature de Dieu par ceux qui ne croient même pas en leur personne tellement l’existence leur a ôté tout amour de soi, placé en leur vedette, Johnny tire sa révérence et affiche sa préférence. La star populaire dévoile ses affinités électives même au-delà de sa défection définitive. Il aura richement vécu loin de ses admirateurs, et il sera bourgeoisement enterré proche de ses congénères agioteurs, exploiteurs.
Il se sera enrichi grâce à l’argent de ses fans toujours prompts à acquérir toutes les babioles à l’effigie de leur idole, et les laissera comme ils ont toujours vécu : désargentés, orphelins de la vie. Ils pourront se consoler de la disparition de leur coqueluche, en écoutant sa musique de peluche. On l’oublie souvent : cette bête de la scène aura joué durant sa vie qu’une scène de bête. S’il a su composer richement sa vie, en revanche il n’a jamais su composer sa musique.
Cet esclave de la scène avait à sa disposition des nègres. Toutes ses chansons ont été fabriquées par ses proches pour lui permettre de se remplir artistiquement ses poches. Il a su donner pauvrement de la voix et se frayer richement sa voie. Il a su drainer des foules pour l’écouter sur scène soûl. Remplir les stades pour se déhancher sur les estrades.
Il a épousé fougueusement la vie. D’ailleurs, il a enchaîné les épousailles. Et déchaîné contre lui la justice. Non pour ses fresques musicales mais pour ses frasques fiscales. Il a subi plusieurs redressements fiscaux pour avoir dissimulé ses revenus musicaux. Et finir pour opter pour l’exil fiscal.
Johnny aura eu les honneurs de la nation. Et la vénération de ses admirateurs. D’aucuns ont comparé l’hommage national à celui rendu au grand écrivain Victor Hugo. Si tel est le cas, la France, vraiment, décline. D’ailleurs, avec la mort du célèbre immortel écrivain Jean d’Ormesson, c’est la France qui se meurt. Qui se meut en pays décadent. La France n’enchante plus. N’écrit plus son histoire. Son histoire contemporaine s’écoule, s’écroule.
Sur scène, Johnny se dépassait sans se la raconter, dans la vie aussi il dépensait sans compter. Selon les informations, il n’était pas avare de ses dépenses. Johnny avait un train de vie princier. Puisqu’il dépensait jusqu’à 400 000 euros par mois pour ses frais (plaisirs) personnels. Quand on sait que tous ses fans sont issus des classes populaires, voire pauvres, on ne peut qu’être interpellés, choqués. Il aura ainsi défrayé les chroniques judiciaires. Il n’aura frayé qu’avec ses congénères fortunés. Il nous aura effrayés par ses dépenses dispendieuses.
Pauvres fans prolos. Après vous avoir ignoré de son vivant par sa vie de nabab, il vous réserve un souverain mépris de sa tombe inaccessible. Vous n’avez pas pu le côtoyer de son vivant, il ne vous offrira même pas l’occasion d’approcher sa tombe. Il n’allait quand même pas permettre à des gueux venir se recueillir sur sa tombe. Salir sa tombe. Souiller sa personne, même décomposée au fond du cercueil.
Même mort, il aura opté pour l’exil sépulcral afin de ne pas honorer ses obligés, comme il avait opté pour l’exil fiscal pour ne pas honorer ses obligations. En revanche, ses amis fortunés s’offriront le luxe de fleurir sa tombe. Même dans l’au-delà… de la mer. Dans le capitalisme, le paradis terrestre n’est réservé qu’aux nantis.
M. K.
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