Grève dans l’enseignement : comment les négociations avec le Cnapeste ont capoté
Par R. Mahmoudi – Pourquoi la situation s’est-elle brusquement dégradée au lendemain des discussions entre la ministre de l’Education nationale et les représentants du Cnapeste, où les deux parties s’étaient pourtant engagées à trouver un terrain d’entente ? Rappel des événements qui ont marqué une semaine décisive.
Après plusieurs semaines de grève qui avaient d’abord paralysé la wilaya de Tizi Ouzou, avant de s’étendre à d’autres wilayas et principalement Béjaïa et Blida, et devant l’impossibilité de communiquer avec la direction d’un syndicat phagocyté par des militants islamistes, la ministre a eu l’idée de solliciter les bons offices du FFS pour essayer de trouver une solution au niveau de la wilaya de Béjaïa. Ce parti, majoritaire en Kabylie, venait de faire ses preuves en réussissant à convaincre le bureau du Cnapeste de la wilaya de Tizi Ouzou de négocier une solution avec la direction de l’éducation locale et de mettre ainsi fin à une grève qui a duré 53 jours.
Jeudi 1er février, Mme Benghebrit reçoit dans son bureau une délégation du FFS, composée notamment du chef du groupe parlementaire et député de Béjaïa, Chafaâ Bouaïche, et le président de l’APW de Béjaïa, Mehenni Haddadou. Ces derniers auraient, en aval, tenté d’approcher et d’influencer le bureau du Cnapeste de cette wilaya Béjaïa, dirigé par un ancien militant du FFS, pour l’amener à accepter de prendre attache avec le ministère. Entretemps, la ministre a invité par téléphone les responsables du Cnapeste de Béjaïa pour une entrevue pour lundi 5 février au siège du ministère en vue d’examiner ensemble les moyens à mettre en œuvre pour trouver une solution à la grève qui commençait depuis le 30 janvier à faire tache d’huile et à gagner d’autres wilayas du pays.
Les représentants du bureau de Béjaïa acceptent l’offre mais, sans en avertir la tutelle, exigent la présence aux négociations du Conseil national du syndicat, représenté notamment par son porte-parole, Messaoud Boudiba, un irréductible que certains observateurs soupçonnent de vouloir arrimer la protestation à un agenda politique de son parti, le Front pour la justice et le développement, foncièrement hostile aux réformes lancées par Mme Benghebrit.
C’est donc mal parti, parce que la ministre voulait une négociation séparée avec le bureau de Béjaïa. Elle a même, comme gage d’assurance, promis d’envoyer une équipe d’inspecteurs à Béjaïa pour essayer de voir avec l’administration locale les moyens à mettre en œuvre pour résoudre les litiges soulevés par les enseignants grévistes. Cette équipe est effectivement venue mercredi et jeudi pour élaborer son rapport qu’elle devrait remettre avant le début de la semaine prochaine. Or, tout d’un coup, et contre toute attente, le ministère sort la grosse artillerie et annonce des mesures coercitives contre les grévistes. Plusieurs cadres du département ont été mobilisés dans les médias pour redécouvrir l’«inanité» des revendications des grévistes. La ministre s’est elle-même mise de la partie pour dénoncer, avec une rage inhabituelle, l’«obstination» des syndicalistes à faire appliquer séparément des PV signés avec les DE au niveau de chaque wilaya, dont Benghebrit nie jusque l’existence.
Au même moment, le Cnapeste publie une déclaration au vitriol dans laquelle il défie la tutelle et décide du maintien de la grève illimitée jusqu’à satisfaction totale de ses revendications. Se sentant floués, les dirigeants du FFS accusent, en coulisses, le Cnapeste de Béjaïa de «trahison». C’est donc le retour à la case de départ.
R. M.
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