Le gaz russe marque des points face à une Europe méfiante

Gazprom
Le siège du groupe Gazprom. D. R.

Avec des exportations en hausse, une part de marché record et de nouveaux projets de gazoducs, le géant russe Gazprom ne cesse de marquer des points sur le continent européen 25 ans après sa création, malgré des relations orageuses avec ses clients, selon l’AFP.

Le 17 février 1993, alors que la Russie s’adaptait à marche forcée à l’économie de marché, Gazprom, héritier du ministère soviétique de l’industrie gazière, devenait une entreprise par actions. Un quart de siècle plus tard, la société, contrôlée à majorité par l’Etat, est souvent critiquée par ses détracteurs comme un mastodonte bureaucratique, voire un partenaire imprévisible aux décisions plus guidées par les intérêts géopolitiques que par la logique commerciale.

Mais alors que l’Union européenne cherche depuis des années à réduire sa dépendance au gaz russe, Gazprom ne cesse de vanter des chiffres avantageux sur le marché européen. Et son anniversaire lui en a fourni une nouvelle occasion. Le groupe «détient actuellement une part record du marché gazier européen de 34,7%», s’est félicité vendredi son patron, Alexeï Miller, lors d’un entretien avec le président Vladimir Poutine. En 25 ans d’existence, ses exportations ont presque doublé (multipliées par 1,9) dont une augmentation de plus de 30% au cours des seules trois dernières années, a-t-il noté. Selon lui, Gazprom a exporté un volume record vers l’Europe et la Turquie de 194,4 milliards de mètres cubes de gaz en 2017.

Assis sur 17% des réserves mondiales de gaz et détenant le monopole des gazoducs en Russie, le groupe Gazprom est contrôlé à 50,23% par l’Etat russe souvent présenté comme une puissante arme géopolitique du Kremlin. «Contrairement à ce que l’Occident pense il s’agit d’une entreprise extrêmement capitaliste, dont l’objectif est certes de maximiser la rente gazière de la Russie, mais également de verser des dividendes à ses actionnaires», affirme toutefois Thierry Bros, chercheur à l’Oxford Institute for Energy Studies. En 25 ans, «cette entreprise qui venait du système soviétique a su complètement s’adapter au capitalisme», explique l’expert. Gazprom, qui vendait à perte sur le marché national, a augmenté ses prix «d’environ 10% par an pendant une dizaine d’années, atteignant la rentabilité sur le marché russe il y a environ 5-6 ans», ajoute-t-il.

Varsovie vent debout

Aujourd’hui, le groupe cherche à développer de nouveaux gazoducs, avec le soutien capitalistique des grands groupes européens, pour maintenir sa part de marché bien que l’UE traîne des pieds, mais aussi réduire au minimum tout transit par l’Ukraine.

Bruxelles a bloqué le projet russe South Stream vers le sud européen et se montre réticente face aux projets lancés depuis : TurkStream, via la Turquie, et NordStream 2  via la Baltique, que Gazprom justifie par la croissance attendue de la demande européenne ans les années à venir.

Signe des divisions que le gaz russe suscite, Angela Merkel et son homologue polonais ont affiché vendredi leurs divergences concernant Nord Stream 2. La chancelière allemande l’a qualifié de «projet économique» qui ne «présente pas de danger» et aidera à la «diversification des sources d’approvisionnement».

«Je ne suis pas d’accord pour dire qu’il s’agit d’une diversification» car le gaz dont il est question vient d’une même et unique source, à savoir la Russie, a répliqué le Premier ministre polonais, le nationaliste conservateur Mateusz Morawiecki. Pour Varsovie, si NordStream 2 est construit et le passage de gaz via l’Ukraine coupé, alors la Russie pourrait «attaquer l’ensemble de l’Ukraine», avait-il expliqué la veille au quotidien Die Welt.

Plus au sud, Gazprom a annoncé en janvier que le gazoduc TurkStream serait mis en fonction d’ici fin 2019 suite à l’obtention par Gazprom d’une autorisation de la Turquie pour construire la deuxième ligne du projet dans ses eaux.

Début février, le groupe a annoncé avoir terminé les deux tiers du projet «Force de Sibérie», destiné à transporter du gaz vers l’Asie et notamment la Chine à partir de décembre 2019. L’Asie, marché gigantesque où les prix sont relativement élevés, fait figure de nouvelle cible de Gazprom.

R. E.

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