Tariq Ramadan paye son courage intellectuel
Par Youcef Benzatat – Avant Tariq, il y eut Dieudonné. Un homme que l’élite et les médias autorisés avaient boycotté et mis au ban de la société, principalement pour un délit imaginaire d’antisémitisme, alors que la justice n’avait jamais pu apporter la moindre preuve pour pouvoir le condamner. L’humoriste est en effet un fin anticolonialiste israélien, qui sait jouer avec les lois de la République pour ne pas tomber dans le souhait du lobby de ce système colonialiste, celui de la confusion entre antisémitisme et antisionisme colonialiste.
L’artiste est surtout populaire et joue ses spectacles à guichets fermés à chacune de ses apparitions, pour venir manifester sa solidarité avec les Palestiniens et mettre à nu le mensonge de la propagande autour de cette affaire. Ce qui rend fous furieux les amis d’Israël et ceux qui s’acharnent à enterrer l’injustice que les Palestiniens subissent depuis plus d’un demi-siècle. Dieudonné, en plus d’informer en disséquant le mensonge de la propagande colonialiste israélienne dans ses spectacles, donne au conflit une visibilité telle que même les intellectuels et les médias arabes n’arrivent pas à produire le même effet sur l’opinion. Certains, par opportunisme, participent même à sa banalisation en le réduisant à un conflit secondaire, voire en se disant non concernés.
Dieudonné tient son courage et sa force de sa condition, celle de la banalisation de sa conscience blessée par la barbarie de l’esclavage que le peuple noir – dont il est issu – avait subi. De ce fait, son problème n’est pas le peuple juif, mais l’injustice que subit le peuple palestinien, ou tout autre peuple d’ailleurs, comme l’a été le sien et qui continue à l’être sur le continent de ses ancêtres sous la forme d’un néocolonialisme qui ne dit pas son nom. C’est cette force mentale qui irrigue son art et fortifie son esthétique.
L’artiste ne dort plus en paix depuis qu’il s’est mis à mijoter en public l’horreur d’une telle injustice. Vilipendé au quotidien, trainé en permanence devant les tribunaux, diabolisé sans relâche par les têtes pensantes autorisées, rien n’y fait, l’engouement pour son art témoigne de la justesse de son discours et l’admiration du public pour son courage à dénoncer l’injustice face aux puissants, avec toutes les conséquences que cela implique.
Tôt ou tard il paiera à son tour, comme c’est le cas aujourd’hui pour Tariq Ramadan, qui n’a cessé depuis un quart de siècle de dénoncer cette injustice et d’informer méthodiquement l’opinion sur la vérité et les dessous de cette colonisation. Il subit à son tour le pire traitement que peut subir un intellectuel engagé aux côtés des Palestiniens pour faire triompher la justice. D’autant qu’il est musulman et éclairé, ce qui fait de lui un individu plus dangereux encore, aussi bien pour les lobbys du pétrole et de l’armement, que pour les dictatures liberticides arabes et les monarchies obscurantistes. Car c’est un éveilleur de conscience et un réformateur révolutionnaire qui met la justice sociale et la critique de la religion musulmane au centre de ses discours. Ceux-ci sont perçus comme une menace pour l’ordre établi par la géopolitique de la domination et du pillage des richesses des peuples du Sud par les uns et un danger réformateur des structures mentales archaïques, maraboutiques et sans consistance politique pour les autres.
On peut ne pas être d’accord par une tendance conservatrice dans son opinion sur le réformisme musulman, mais par respect à un besoin circonstanciel de spiritualité chez les croyants, on peut toujours lui accorder le mérite d’avoir su apporter des réponses significatives à des questions structurelles du vivre-ensemble par le respect des différences. Mais cela ne pourra balayer son immense engagement pour faire triompher la justice au profit des Palestiniens et ses dénonciations éclairées de l’instrumentalisation de l’islam politique par les lobbys néocolonialistes.
Face au danger qu’il représente et la menace que fait peser la lumière de ses discours – qui sont suivis par des millions, voire des dizaines de millions de musulmans – sur les intérêts de toutes sortes de lobbyistes mal intentionnés, cupides, qui n’ont aucune considération pour la chose des droits humains et de la justice sociale et internationale, il ne reste que le dessous de la ceinture comme arme pour le neutraliser et détruire la conscience collective qu’il a su forger chez ses contemporains.
Y. B.
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