De l’éducation
En infinie reconnaissance à mes enseignants et aux syndicalistes autonomes de l’éducation.
Par Kadour Naïmi – Quel est le premier crime contre l’humanité ? C’est celui des parents qui, au lieu d’inculquer à leurs enfants la bonté, instillent la haine dans leur cœur et leur esprit. C’est, ensuite, celui des religieux qui agissent de la même manière. C’est, enfin, celui des enseignants à l’école qui se comportent de façon identique.
Cependant, ces parents n’auraient pas commis ce crime s’ils vivaient dans une société caractérisée par la bonté et non la haine. Il en est de même de ces religieux et de ces enseignants d’école. Tout le monde sait que l’enfant nouveau-né est, essentiellement, une sorte de page blanche sur laquelle parents, religieux et enseignants imprimeront des émotions, des sentiments et des idées qui marqueront, pour le reste de leur vie, le cœur et l’esprit de ces petits êtres humains qui viennent sans défense en ce monde.
Cependant, que les parents soient de mauvais éducateurs par manque de bonne éducation, et les religieux de mauvais prêcheurs par carence de bonne foi, cela peut se comprendre tout en le déplorant. Mais des enseignants d’école ? Toutefois, est-ce que ces derniers sont à accuser de ce crime contre l’humanité ? Ne faut-il pas remonter à la cause première, à savoir les prétendus «responsables» qui gèrent le secteur éducatif ? Ces «administrateurs» (au salaire juteux et aux privilèges judicieux), pourquoi ne traitent-ils pas les enseignants de manière convenable, en les choisissant selon le mérite et non le servilisme bureaucratique, en leur donnant une paie équitable et des conditions de travail convenables afin de leur permettre d’accomplir leur mission de façon correcte ?
Le système dit éducatif mondial est conçu et organisé d’une manière telle qu’il pose problème. En effet, une société basée sur l’exploitation de l’être humain par l’être humain, peut-elle avoir un système éducatif équitable ? De très rares fois, au cours de révolutions sociales qui se voulaient radicales, furent tentées des expériences de système éducatif au service de l’humanité toute entière. Cela dura peu, juste le temps de formation d’une nouvelle caste dominatrice exploiteuse. Et, de temps à autre, apparaissent ça ou là de belles exceptions où l’éducation est réellement ce qu’elle doit être, c’est-à-dire contribuer à la formation de citoyen(ne)s à l’esprit libre, donc créatif et solidaire, parce que seulement par la solidarité une communauté humaine est digne de vivre.
Dans l’antiquité grecque, nous eûmes Epicure : il recevait dans son école de philosophie aussi bien les citoyens libres que les femmes et même les esclaves, alors que ces deux dernières catégories étaient exclues ailleurs de toute éducation, étant considérées comme des inférieurs. Dans l’antiquité chinoise ou indienne, je n’ai pas connaissance de ce genre d’initiative. A l’époque moderne, exista Francisco Ferrer : «En 1901, il fonde l’école moderne, un projet éducatif rationaliste qui promeut la mixité, l’égalité sociale, la transmission d’un enseignement rationnel, l’autonomie et l’entraide.» Les résultats de son initiative furent très appréciables et eurent des disciples dans d’autres pays. Mais ce magnifique bienfaiteur de l’humanité fut… fusillé par un complot de bourgeois alliés au clergé. Cependant, son expérience et ses idées en matière d’éducation ont continué à vivre et à former des êtres humains dignes de ce nom.
Les «responsables» de l’éducation nationale, en Algérie, connaissent-ils au moins le nom de Francisco Ferrer ? Certainement, on peut en douter et même croire qu’ils le détestent car il est l’incarnation exemplaire du contraire de ce que ces «responsables» font : lui fournit une éducation qui est une bénédiction, tandis que les responsables, bien payés et privilégiés, commettent le crime contre l’humanité en transformant l’éducation en malédiction. La preuve ? Depuis tellement d’années, ces «responsables» gèrent de façon déplorable mais volontaire – à moins d’être des incompétents, mais alors, pourquoi sont-ils au poste occupé ? – le secteur éducatif public pour le faire «pourrir» au profit de celui privé. Cette gestion contraint les enseignants à recourir à la grève illimitée.
A ce propos, en retournant en mémoire dans mon enfance, je me suis dit : «Mais pourquoi les enseignants de l’école primaire sont les moins payés des enseignants, et cela dans tous les pays ? Cette première phase de la vie humaine n’est-elle pas la plus délicate, la plus décisive dans la formation d’un être humain et, donc, d’une communauté humaine ? Dès lors, les éducateur(trice)s scolaires de la toute première enfance ne devraient-ils(elles) pas être les mieux formés et les mieux payés ?»
En effet, tous les spécialistes de l’enfance et de la formation l’affirment : «Ce qui est inculqué dans la toute première enfance de l’être humain est décisif. C’est à ce moment-là que se forment les bienfaiteurs qui iront jusqu’à se consacrer à l’humanité toute entière, et se fabriquent les haineux qui iront jusqu’à tuer bébés, femmes et vieillards, en plus des adultes qui ont le seul tort de ne pas penser comme eux.»
Aussi, les prisons comme les écoles sont à l’image de la société où elles existent : elles créent de la bonté créatrice ou causent de la haine destructrice.
Les «responsables» qui gèrent l’éducation en Algérie, de par leur comportement, ne montrent-ils pas que, sur la base des considérations exposées ici, les petits enfants ont le droit de les accuser d’avoir fait de l’éducation une malédiction, donc d’être responsables de crime contre l’humanité ? Et, par conséquent, de céder la place à de véritables gestionnaires d’une authentique éducation ? Bien entendu, pour que ce miracle arrive, il faudrait que le peuple puisse jouir du réel droit de décider – en l’occurrence les élèves, leurs parents et les enseignants – mais pas les bureaucrates bien payés et jouissant de privilèges.
Soyons donc reconnaissants aux syndicats autonomes qui s’efforcent de contribuer à l’authentique éducation des citoyen(ne)s du pays.
K. N.
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