Elan salvateur ?
Par Mrizek Sahraoui – Le Front des forces socialistes (FFS), pris dans une douce tourmente, réussira-t-il à se dépêtrer de cette horrible bataille de leadership, sans y laisser des plumes, et causer des dommages collatéraux, gage d’une énième refondation après moult péripéties après lesquelles le vieux parti a, jusqu’ici, survécu mais desquelles il est tout de même sorti fragilisé par le départ de nombreux cadres de la première heure, ne partageant pas, y compris sous l’ère du chef charismatique, feu Hocine Aït Ahmed, «les orientations et les positionnements parfois difficiles à tenir», comme l’avait affirmé Saïd Khelil, au lendemain du contrat de Rome ?
C’est vrai, sous l’impulsion de Hocine Aït Ahmed, le FFS a surmonté les obstacles, conséquence des couacs internes et des divergences entre le chef et les dauphins – qui furent nombreux – ou dressés par le pouvoir, enclin, lui, à étouffer dans l’œuf toute opposition crédible, capable de ferrailler contre lui. Maintenant que «le leader historique n’est plus là», ce qui, de facto, a ouvert la voie à la concurrence, suscité et exaspéré les convoitises les plus diverses, «les choses ne se présentent pas de la même manière», précise un membre du conseil national ayant requis l’anonymat.
D’abord, au sein de la direction, aucun cadre, fut-il militant de première heure – à l’image de Mohand Amokrane Chérif, «l’agent double», comme aimait à le taquiner Aït Ahmed, rapporte un ancien secrétaire fédéral de Tizi Ouzou, Salima Ghezali, des frères Bahloul ou encore du fils d’Aït Ahmed lui-même, «tous suspectés de faire main basse sur le parti», accuse le secrétaire national – n’a vocation, aux yeux des militants de base, à incarner une quelconque légitimité à prendre les rênes du parti. Par conséquent, tous, c’est-à-dire les membres du présidium, y compris ceux qui ont été radiés ou «démissionnés» et les secrétaires nationaux, peuvent prétendre à la succession, ce qui nourrit les haines, exacerbe les fractures, et peut déboucher, inévitablement soit à l’implosion ou, pire encore, au sabordage du plus vieux parti d’opposition encore en vie, faute d’appels multiples à l’apaisement et à la retenue.
Ensuite, si par une forme de pudeur à étaler sur la place publique les dissensions internes, les cadres qui sont partis se sont, pour la plupart, astreints au devoir de réserve, il n’en reste pas moins vrai qu’au regard des enjeux et, surtout, des intérêts présents et futurs, rien n’indique que ceux qui caressent l’ambition d’atteinte le sommet – ils sont nombreux là aussi – respecteront la discipline interne. Celle qui a permis au FFS de surmonter les moments difficiles, du temps où il a fait l’objet des tirs croisés venant du pouvoir et des autres partis d’opposition mais jamais, il faut bien l’admettre, des partis islamistes.
Enfin, se sentant trahis, sont nombreux ceux qui vouent une haine féroce à l’encontre de la direction actuelle, un groupe restreint accusé d’infidélité aux idéaux du parti, d’abandonner les principes et les valeurs qui sont les siens, et soupçonné de s’être livré au marchandage politique avec le pouvoir, «une compromission que les radiés jurent de venger» le moment venu, menace le membre du conseil national.
Il n’y a pas de leçon à donner au FFS. Cependant, du point de vue de l’intérêt de faire vivre la démocratie, de pérenniser le multipartisme et l’expression plurielle, le Front des forces socialistes gagnerait, lors du congrès extraordinaire, du 20 avril, une date loin d’être anodine, à simplement respecter davantage les règles de cette démocratie pour laquelle Hocine Aït Ahmed a consacré toute sa vie à défendre. Plus largement, il y va de l’intérêt de l’Algérie, des autres partis, et même du pouvoir, que le FFS relève les défis et réussisse sa transition.
M. S.
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