La France expulse à tour de bras et détourne les regards vers l’Algérie
De Paris, Mrizek Sahraoui – Tout porte à croire que la France n’a désormais plus besoin de main-d’œuvre bon marché, malléable et corvéable à merci. Et pour cause, depuis janvier surtout, les autorités françaises ont multiplié les reconduites à la frontière des déboutés d’asile, vivier de recrutement pour les «sales boulots». Dans l’indifférence générale, la France expulse à tour de bras, constatent tous les soutiens des sans-papiers qui dénoncent «une politique du chiffre», une réalité loin du discours humaniste dont se prévaut le gouvernement.
«Il n’y a pas de chiffres officiels, mais les ordres venus d’en haut sont clairs : fermeté, fermeté et fermeté», a indiqué à Algeriepatriotique un fonctionnaire syndicaliste du ministère de l’Intérieur. Et de poursuivre : «Le gouvernement met en application le projet de loi [asile et immigration], soumis à l’ordre du jour du Conseil des ministres le mercredi 21 février dernier, avant que cette réforme ait été discutée au parlement ni même promulguée par ordonnance», la nouvelle façon de procéder du chef de l’Etat.
Dans la discrétion la plus totale, les policiers ont intensifié, ces derniers mois, les contrôles au niveau des gares, dans le métro et même, de façon aléatoire, dans les rues des grands centres urbains. Objectif, «interpeller un maximum de sans-papiers», précise notre source. Et, «bien avant d’atteindre les 45 jours, délai légal de rétention, après un rapide passage devant un tribunal administratif, les personnes interpellées sont aussitôt reconduites dans leur pays d’origine», a ajouté le fonctionnaire qui a requis l’anonymat.
Même son de cloche du côté des associations d’aide aux sans-papiers. La CIMADE, le MRAP, SOS Racisme, GISTI et tant d’autres encore qui activent dans l’anonymat, ont fait le même constat : le gouvernement veut faire du chiffre pour que, le moment venu, c’est-à-dire lors des échéances électorales à venir – les européennes sont prévues en 2019 et les municipales en 2020 –, il brandira un bilan des reconduites conséquent, improbable gage de satisfaction des onze millions d’électeurs du Front national qui n’aiment pas Emmanuel Macron, quoi qu’il fasse.
Cette volonté du gouvernement de plaire à tous ceux qui font des frontières et de l’immigration leur registre de commerce politique, échappe complètement aux médias français, préoccupés qu’ils sont par le sort des migrants subsahariens qui «seraient expulsés par l’Algérie».
«L’Algérie accélère les expulsions de migrants subsahariens dans le désert», a titré le journal Le Monde dans un article daté du 20 mars, consacré aux migrants originaires d’Afrique. Sauf que cet article est paru au moment où les centres de rétention en France ne désemplissent pas. Des étrangers sans-papiers désireux de fonder un foyer sont arrêtés puis embarqués depuis des salles municipales dédiées à la célébration des mariages. De nombreux couples avec enfants, dont un des conjoints est sans-papiers, vivent dans la crainte d’être séparés. Les rafles policières se sont multipliées pour faire du chiffre, alors que la vocation première de la police est de protéger les biens et les personnes, y compris, dans le cas d’espèce, les migrants, objet, ces derniers temps, d’attaques et de violences en tous genres, même sexuelles, comme l’a indiqué une récente étude d’une ONG britannique. Le tout sous le nez, la barbe et l’œil avisé de certains journalistes français plus enclins à regarder ailleurs et à distiller de fausses informations.
M. S.
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