Des intellectuels français s’insurgent contre le manifeste de la honte
Par R. Mahmoudi – Plus de deux cents personnalités issues de divers horizons viennent de lancer en France un nouveau manifeste appelant à combattre «toutes les formes de racisme quelles qu’elles soient». Les signataires stigmatisent le «manifeste contre le nouvel antisémitisme» lancé il y a une semaine, et considèrent que son contenu «fait des amalgames, attise et renforce ce qu’il prétend dénoncer». Celui-ci prend tacitement la communauté musulmane comme responsable de la montée des actes antisémites en France et suggère l’idée de retirer certains versets coraniques jugés anachroniques, car incitant, aux yeux des auteurs de ce texte, «au meurtre des juifs, des chrétiens et des non-croyants». Ils dénoncent un texte qui «assimile tout musulman à un intégriste en puissance, le désigne à la vindicte populaire et exige allégeance culturelle et repentance religieuse».
Annonçant la couleur dès les premières lignes, les signataires de ce contre-manifeste appellent à dénoncer et à combattre l’antisémitisme et «tout acte criminel ou agression à ce titre», comme il faudrait le faire pour «toutes les formes de racisme quelles qu’elles soient».
«Nous savons que se taire aujourd’hui, banaliser ces discours et ces agressions ouvre la porte demain aux pires drames que l’histoire récente ou plus ancienne a fait connaître : qu’il s’agisse du génocide des juifs et des Roms perpétré par le nazisme, de celui des Tutsis, du génocide arménien, de l’épuration ethnique en Bosnie ou du génocide actuel des Rohingyas», lit-on encore dans le texte.
Pour les signataires, «les violences antisémites actuelles, aussi insupportables qu’elles soient, sont loin d’être comparables à un pogrom et encore moins à une épuration ethnique». Répondant aux initiateurs du «manifeste contre le nouvel antisémitisme», les Bernard-Henri Lévy, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls et autres, qui accusent la gauche française d’alimenter cette haine du juif, ils estiment qu’«assimiler la gauche antisioniste, qui a toujours été au premier rang du combat contre tous les racismes, à une nouvelle forme de l’antisémitisme relève d’une diversion mensongère et scandaleuse».
Dans le même ordre d’idées, les signataires du contre-manifeste disent refuser «l’amalgame entre les actes criminels odieux ou à caractère délirant de certains et les projets ouvertement racistes et antisémites d’exécutions ou de massacres ourdis par d’autres». Ils rappellent que les premières victimes de Daech et de ses sbires «sont d’abord les populations des pays arabes ou africains et des musulmans».
Lancé par Alain et Philippe Cyroulnik, respectivement cinéaste et critique d’art, et eux-mêmes d’origine juive, ce texte collectif est signée par une variété d’hommes politiques de gauche comme Alain Krivine ou Olivier Besancenot, des acteurs comme Bernard Noël, des artistes à l’image de Camille Saint-Jacques, mais aussi beaucoup de noms d’origine maghrébine ou arabe comme le traducteur palestinien Elias Sanbar, les militants écologistes Salah Amokrane et Alima Boumdiene Thierry. Parmi les personnalités connues, on cite le nom du journaliste Dominique Vidal, celui de Mireille Fanon-Mendès-France, la fille aînée du militant révolutionnaire Franz Fanon, du sociologue Alain Jox ou celui du célèbre bédéiste Jacques Tradi.
Un nom retient l’attention : c’est celui de l’éditeur François Gèze. La présence sur cette liste de militants engagés d’un homme qui s’est toujours mobilisé contre l’Algérie et fait partie des cercles politico-médiatiques qui continuent à défendre la thèse éculée du «qui tu qui», paraît plus que surprenante. A moins qu’il cherche à se racheter.
R. M.
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