Sahara Occidental : quand le Makhzen transforme une gifle en victoire
Par Sadek Sahraoui – Les médias marocains ont fait une lecture triomphaliste de la résolution sur le conflit du Sahara Occidental adoptée vendredi par le Conseil de sécurité de l’ONU. L’exercice a certainement dû être très difficile, surtout qu’il s’agissait pour eux de faire dire à la résolution en question ce qu’elle ne dit absolument pas.
Dans les faits, le texte est effectivement très négatif pour le Makhzen et son allié français qui ont tout fait pour amplifier la crise à Guerguerat afin de détourner l’attention de la communauté internationale du vrai problème qui est l’actuelle impasse dans laquelle se trouve le processus de paix. Le Maroc cherchait même à provoquer une dégradation de la situation sur le terrain afin de maintenir le statu quo.
Ce plan machiavélique n’a cependant pas fonctionné. Le Conseil de sécurité de l’ONU, en prorogeant le mandat de la mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (Minurso) de six mois uniquement mettra même la pression sur le Maroc, duquel il a été exigé de se rassoir à la table des négociations.
Intervenant, d’ailleurs, juste après l’adoption, la représentante des Etats-Unis, dont le pays est le porte-plume de la résolution, a déclaré que le statu quo au Sahara Occidental ne permettait pas d’avoir une solution juste et durable au conflit, appelant à appuyer l’émissaire Horst Köhler dans sa mission de médiation.
Adoptée par 12 voix pour et 3 abstentions (la Russie, la Chine et l’Ethiopie), le Conseil de sécurité a adopté, en effet, une résolution qui appelle les deux parties en conflit, le Maroc et le Front Polisario, à reprendre les négociations, à l’arrêt depuis 2012, sans pré-conditions et de bonne foi.
Ainsi formulée, la résolution du Conseil de l’ONU a du provoquer une syncope à Nasser Bourita qui a mené une intense campagne ces dernières semaines dans les coulisses de l’ONU pour essayer d’impliquer l’Algérie dans le conflit. Les membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont non seulement rappelé les fondamentaux du dossier, à savoir que le conflit est un problème de décolonisation qui doit se régler par un référendum d’autodétermination et qu’il oppose le Front Polisario au Maroc, et personne d’autre, mais ignoré aussi la solution ridicule (autonomie élargie, NDLR) préconisée par Rabat pour régler la crise.
Le désarroi de Rabat et de Paris – qui n’ont ménagé aucun effort aussi pour dénaturer les missions de l’ONU – transparaît, d’ailleurs, assez clairement dans la déclaration de l’ambassadeur de France à l’ONU, François Delattre, qui a affirmé que le renouvellement pour six mois seulement du mandat de la mission des Nations unies au Sahara Occidental (Minurso) «doit rester une exception». C’est que le diplomate français a bien compris qu’en retenant l’idée d’un mandat de six mois, la pression va s’accentuer davantage sur le Maroc, qui, jusque-là, a toujours fui les négociations directes avec les dirigeants du Front Polisario.
Bien sûr, la plupart des titres de la presse marocaine ont fait mine de ne pas avoir saisi la nuance. Pas étonnant. Ils ont démontré depuis bien longtemps déjà que leur raison d’être est de transformer les défaites du Makhzen en victoires. Et celle de vendredi dernier était aussi une véritable bérézina.
S. S.
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