Pourquoi Benjamin Stora dérange les nostalgiques de l’Algérie française
Par R. Mahmoudi – L’historien français et spécialiste de l’Algérie, Benjamin Stora, est l’objet depuis quelque temps d’attaques de plus en plus violentes des groupuscules d’extrême-droite, nostalgiques de l’Algérie française, qui lui reprochent notamment ses positions par rapport à l’histoire coloniale de la France en Algérie et sa dénonciation courageuse et rare, dans le microcosme intellectuel de l’Hexagone, des crimes commis par l’armée française durant la période d’occupation. Stora est, en effet, un des rares historiens français à s’affranchir du monolithisme de la censure officielle concernant la guerre d’Algérie, en essayant d’être objectif et en s’appuyant sur des sources et des témoignages algériens.
Ainsi, le collectif extrémiste «Non pour le 19 Mars» vient de lancer une campagne de dénigrement sans précédent contre l’historien et cherche même à perturber un colloque internationale prévu à Marseille, le 31 mai prochain, consacré à l’œuvre «scientifique et militante» de Benjamin Stora, qui sera organisé sous le parrainage du président Emmanuel Macron. Une initiative qui met cette organisation néocolonialiste en alerte. «Les Français d’Algérie se doivent de donner leur opinion sur ce prochain colloque international», écrit son président, Hervé Cuesta, dans une sorte d’appel à la mobilisation diffusé par le site Riposte laïque, porte-voix de l’extrême-droite française.
«Nous avons bien compris, poursuit-il, que cette célébration était organisée à la gloire d’un historien qui ne fait pas l’unanimité, et c’est peu de le dire. Nous considérons que les concours apportés par le journal l’Humanité, Le Monde et divers de ses collègues, de la même unité de pensée, sans autre contradicteur, ne donnent pas une sincérité complète à l’hommage rendu». Il classe Stora et son œuvre dans la catégorie fourre-tout du politiquement correct, pour avoir osé soutenir que «la France a commis des crimes contre l’humanité en Algérie».
Hervé Cuesta est surtout déstabilisé par la présence d’«une autorité algérienne» à ce colloque, qu’il considère comme un signe de «reconnaissance à l’engagement partisan de cet historien». Et sur un ton menaçant à peine voilé, le président du collectif extrémiste lancera, sous forme d’interrogations : «Les organisateurs de cet hommage n’ont-ils pas peur de jouer avec le feu ? En agissant ainsi, ne deviennent-ils pas des pyromanes, sans s’inquiéter des risques potentiels futurs ? Pour qui va passer, notre pays la France, qui s’abaisse à ce point devant un ancien ennemi, le FLN, qui a ensanglanté des départements français et la Métropole, de 1954 à 1962 ?»
Enfin, il donne les noms de tous les invités du colloque et invite indirectement les journalistes à les lyncher.
R. M.
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