Le peuple juif : du statut de victime à celui de bourreau ?
Par Dr Hocine-Nasser Bouabsa – Beaucoup d’évènements ont ébranlé et marqué la mémoire collective du peuple juif. On peut en citer trois. Le premier fut sa libération du joug pharaonique et l’exode vers la Palestine. Le deuxième fut la Reconquista chrétienne en Espagne et l’évasion vers l’Afrique du Nord. Le troisième fut la prise du pouvoir par les nazis en Europe et la migration massive vers la Palestine – encore une fois. Tous ces trois événements avaient un point commun : échapper à l’oppression, l’esclavage ou carrément l’extermination.
De brillants savants, intellectuels ou historiens qui pourraient l’éclairer et le guider. Le peuple juif en a eu suffisamment. Mais alors, comment se fait-il qu’un peuple aussi outillé d’intelligence et de savoir, ayant été lui-même victime de tant d’injustices et d’oppression, puisse oublier et éluder ce que ses ancêtres ont enduré, à tel point qu’il devienne aujourd’hui lui-même bourreau de ceux – les Palestiniens – qui étaient prêts à cohabiter avec lui, lorsque presque toute l’Europe participait à son expédition mortelle vers les chambres à gaz et les crématoires érigés par les criminels nazis dans le cadre de leur «solution finale», qui consistait à purifier l’Europe du gène judéo-sémitique ?
L’Etat d’Israël est aujourd’hui le porte-drapeau de beaucoup de juifs à travers le monde. Du moins de tous ceux d’entre eux – les sionistes – qui ont tronqué la vision d’un judaïsme ouvert, humaniste et cosmopolite, contre un autre, renfermé, raciste et ultranationaliste. L’entité créée pour servir comme ultime refuge libre, social et solidaire (l’esprit du Kibboutz) aux juifs menacés s’est malheureusement progressivement transformée – particulièrement à cause du soutien inconditionnel que lui garantit l’Occident, pour des raisons surtout géopolitiques – en un Etat raciste, arrogant, belliqueux, expansionniste et oppresseur, utilisant la fameuse tactique du petit pas, chère à Kissinger, pour judaïser toute la Palestine et même toute la région faisant partie de l’imaginaire sioniste : le «Grand Israël». Il n’est pas question seulement maintenant de coloniser la Cisjordanie par des Européens judaïsés, génétiquement moins hébreux que les Palestiniens – dont beaucoup sont des descendants d’Hébreux christianisés ou islamisés – mais surtout aussi de sioniser complètement Jérusalem, la «ville sainte» chère non seulement aux chrétiens et aux musulmans, mais à toute l’humanité.
Le forcing dangereux, basé sur la politique illégale du fait accompli, qu’exercent le gouvernement israélien et ses protecteurs américains pour cimenter le statut de Jérusalem «capitale unie de l’Etat hébreux» reflète l’esprit négationniste des Israéliens envers les Palestiniens. Il renforce la conviction de ceux qui ne croient pas en la bonne volonté pacifique des Israéliens et détruit tout brin d’espoir de voir un jour juifs et Palestiniens vivre ensemble ou cohabiter pacifiquement.
En confiant le gouvernail de son destin à un sionisme belliqueux, le peuple juif non seulement est passé du statut de victime à celui de bourreau, mais il perd aussi son statut moral de «peuple élu», titre qu’il méritait tant qu’il respectait scrupuleusement la devise prophétique – synonyme d’une vision, d’une protection et d’un sacrilège formidables de la vie sur terre – révélée dans les trois livres monothéistes, «celui qui sauve une vie, c’est comme s’il sauvait toute l’humanité et celui qui tue une vie, c’est comme s’il tuait toute l’humanité».
Aujourd’hui comme avant, les Palestiniens font face à une politique sauvage d’occupation, d’oppression, d’expropriation, de déportation et de déni. Il faut condamner et s’opposer à cette politique apocalyptique, non pas seulement pour rendre justice à un peuple opprimé, mais aussi pour rendre service à toute l’humanité, toujours en quête d’une vie et vivre-ensemble harmonieux sur terre. Car c’est autour de Jérusalem – la ville de la Paix en hébreux – que se décide moralement et éthiquement le destin humain sur notre planète : le paradis ou l’enfer.
H.-.N. B.
Comment (15)