Laïusseur ès qualités
Par Mrizek Sahraoui – Ceux qui ont suivi de très près la campagne électorale française de 2017 sont témoins et le diront : au soir du second tour, l’Europe était à l’affût et avait l’œil rivé sur ce que devaient être les résultats entre, d’un côté, un «convaincu» et, de l’autre, une eurosceptique. Ce fut un grand soulagement, on était passés à deux doigts du cataclysme.
Logique, de très grands espoirs avaient été placés en Emmanuel Macron, celui qui allait redonner du sens et une pulsion à la construction européenne, depuis quelque temps malmenée par les vents nationalistes venant de Pologne, d’Autriche, d’Allemagne, de Hongrie, du Danemark, de Roumanie, de Tchéquie et, surtout, ceux qui, plus forts encore, venaient outre-Atlantique.
Seulement voilà, les choses ont pris une autre tournure depuis lors : les nationalistes allemands sont au pouvoir aux côtés de la chancelière ; les Hongrois ont plébiscité et reconduit Viktor Orbán ; les Polonais font leur loi au sein de l’Europe ; les Autrichiens se sont accommodés avec l’extrême droite, Donald Trump dicte les règles, cerise sur le gâteau, les Italiens viennent de placer une coalition de populistes et de nationalistes aux commandes de l’Italie, troisième puissance économique européenne.
Et l’échec porte un nom : Emmanuel Macron ! Car, pendant ce temps, l’ex-ministre de l’Economie sous François Hollande fait des discours que personne n’écoute, surtout sans réelle portée, ni résultats concrets sur le terrain : l’Europe se fissure ; à l’international ne n’est guère mieux ; au Sahel, c’est le flou total et aucune perspective de sortie à l’horizon ; Donald Trump réduit le Vieux-Continent à un Etat fédéral, le cinquante et unième.
Mardi dernier, aux allures de celui qui apporte toujours du nouveau, Emmanuel Macron a décliné sa méthode – surtout pas d’énième plan, comme l’avaient laissé suggérer les médias à la suite de la sortie du plan Borloo pour les banlieues –, à travers une série de mesures pour «construire une politique d’émancipation et de la dignité» pour les habitants des quartiers défavorisés. Rien que ça.
Inutile d’énumérer la liste de ces mesures de l’ordre d’une vingtaine, a posteriori aussi vagues, floues les unes que les autres, et avec aucune précision sur leurs coûts, un paramètre essentiel dans toute politique publique, surtout quand les déficits publics de la France ne satisfont pas les seuils imposés par la Commission européenne. Par ailleurs, sur le chapitre de l’emploi, n’ayant vu aucune fiabilité dans le discours du Président, les entreprises demeurent très frileuses, et le chômage repart à la hausse, selon l’Insee.
Résultat des courses : peu à peu, mais inexorablement, l’Europe se dirige droit vers les années trente ; les Français, de plus en plus nombreux, déchantent, et à un député de l’opposition d’ironiser : «Macron ? Un Laïusseur ès qualités.»
M. S.
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