Du pillage culturel de l’Algérie au torpillage mémoriel contre l’Algérie
Par Mesloub Khider – «Dans la mare des mensonges, il ne nage que des poissons morts.» (Proverbe russe)
«A cause du soleil, je me suis débarrassé de ma barbe de prophète et de ma toison, mais (comme mes filles me préfèrent avec) je me suis fait photographier avant de sacrifier ma chevelure sur l’autel d’un barbier algérois. J’aurai les clichés dimanche prochain.» (K. Marx, Lettre à Engels, 28 avril 1882).
En cette année 2018 du bicentenaire de la naissance de Karl Marx scandée par la publication et la diffusion de nombreuses études rendant hommage à l’immortel Maure (oui, c’est le surnom du génial penseur Marx, car les Allemands le prenaient pour un Algérien), chaque pays commémore à sa manière cet anniversaire.
A cette occasion, de nombreuses chaînes de télévision internationales diffusent d’innombrables documentaires consacrés à Karl Marx. De même, la presse publie d’abondants articles dédiés à ce révolutionnaire allemand.
La majorité de ces publications insistent sur l’acuité et la modernité de la pensée de Marx. Sur l’apport de son exceptionnelle et révolutionnaire philosophie à l’humble humanité. Sur ses prométhéens écrits politiques. Sur son monumental ouvrage, Le Capital, jamais autant d’actualité. Sur son célèbre opuscule internationaliste prolétarien nommé Le Manifeste communiste.
Ces multiples articles consacrés au bicentenaire de la naissance de Marx, publiés dans la presse du monde entier, s’illustrent soit par leur tonalité dithyrambique soit par leur sonorité critique.
Quelle que soit l’orientation politique adoptée dans le traitement de cet événement, ces articles se sont avant tout efforcés d’aborder diversement les dimensions politique, philosophique ou économique de l’œuvre de Marx.
Tous ces médias, quelle que soit leur obédience politique, ont traité l’événement avec beaucoup d’objectivité. En effet, tous ces articles se sont penchés uniquement sur l’œuvre savante de Marx, exposée dans toute sa diversité politique, économique, philosophique.
Seul un pays, par un de ses médias parodiques, Bopress, a fait exception dans le traitement de cette actualité consacrée à Marx.
Fidèle à son inculture légendaire illustrée par un taux d’analphabétisme atteignant les 40%, donc inapte à l’analyse politique et philosophique de l’actualité, le Maroc a commémoré à sa manière ignominieuse sur un ton persifleur le bicentenaire de la naissance de Karl Marx.
A l’instar de la presse à scandales, toujours prompte à plonger dans les eaux troubles médiatiques pour pêcher quelque poisson informationnel rance destiné à ses électeurs incultes, un certain organe (impuissant) marocain a saisi cette occasion du bicentenaire de la naissance de Marx pour accoucher d’un nauséabond article mettant en cause la véracité du séjour de Marx à Alger.
Selon l’article de Bopress(1), citant l’auteur de cette assertion mensongère, un nommé Manar Slimi, politologue de son état au service de sa majesté, Karl Marx n’aurait jamais visité l’Algérie.
A l’encontre de l’évidence historique prouvant que le philosophe allemand Karl Marx a bien séjourné en Algérie du 20 février au 2 mai 1882, pour des raisons médicales et climatiques, ce politologue marocain se hasarde à alléguer que Marx n’aurait jamais voyagé en Algérie. Selon cet imposteur, Marx aurait séjourné au Maroc et non en Algérie.
Et toujours selon ce faussaire de l’histoire, la célèbre photo de Marx n’aurait pas été prise à Alger, mais à Imintanout, au Maroc.
Contre les évidences historiques, établies par tous les historiens et les témoignages épistolaires rédigés de la main de Marx, ce laquais du roi VI énonce des contre-vérités. En effet, ce politologue royal, mais point loyal avec la vérité historique, soutient que Marx n’aurait jamais séjourné en Algérie.
A propos de la fameuse photo de Marx prise à Alger, il affirme détenir des preuves «historiques» pour certifier avoir été prise à Imintanout, au Maroc.
Cette «information» aurait été diffusée sur «Akhna TV», lors d’un débat sur «l’unité territoriale du royaume», selon le journal électronique marocain Bopress.
Dans la même émission, toujours selon Bopress, avec une verve méprisante emplie de calomnies, ce sinistre personnage, Manar Slimi, aurait tenu les propos sarcastiques suivants : «L’Algérie à l’époque était une colonie ravagée par la famine et les épidémies, et souffrait d’une absence totale des infrastructures de base, telles que l’eau, l’électricité et l’internet. Comment Marx allait se soigner dans un tel endroit ? En plus, la capitale algérienne et ses environs étaient sous la menace permanente des djihadistes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique. Un marxiste bien connu comme Marx n’allait pas risquer sa vie pour visiter une ville obscurantiste comme Alger, où sa théorie était bannie et ses disciples emprisonnés ou assassinés.»
Toujours au cours de la même émission, ce professeur de Sciences Po à l’Université Mohamed-V de Rabat poursuit ses dénigrements contre l’Algérie par des arguments panégyriques glorifiant le Maroc, totalement infondés historiquement : «Par contre, le Maroc, à l’époque, était très avancé par rapport à l’Algérie. On jouissait déjà d’un bon niveau de sécurité, d’aisance, d’indépendance, de liberté de pensée et d’expression, mais surtout de santé. Imintanout, une ville à 500 km au nord du Sahara marocain, abritait l’un des plus grands hôpitaux du monde au XIXe siècle, où il y avait des services pour des dizaines de maladies connues à l’époque, y compris la bronchite dont souffrait Karl Marx. Et c’est durant son séjour sanitaire là-bas que sa fameuse photo a été prise, et non pas à Alger, comme souhaitent le faire croire les Ennemis. La preuve ? C’est dans la photo elle-même. N’importe qui peut reconnaître que c’est Imintanout et non pas Alger !»
Dans la même émission, il a accusé l’Algérie de piller la culture marocaine en donnant l’exemple de la musique raï et des centaines de chansons émouvantes : Hakmat Lakdar, Ya Zina Diri Latay, A Vava Inouva…
Enfin, il a également invité l’Algérie à cesser de falsifier l’histoire du Maroc et la pensée politique marocaine.
Il a conclu son immonde réquisitoire par sa proposition appelant à modifier le titre du livre Lettres d’Alger et de la Côte d’Azur, écrit par Marx, par le titre Lettres d’Imintanout et de la Côte atlantique.
Quoiqu’énoncé sur un ton parodique et satirique, néanmoins, on ne doit pas malmener et étriller la mémoire nationale d’un pays, falsifier ses faits historiques. Cela dénote une implicite volonté de malveillance.
A quel monument historique algérien s’attaqueront-ils la prochaine fois ? Demain, oseront-ils écrire que les Algériens n’ont jamais chassé les colons français par leur révolution ? Il s’agit d’une illusion d’optique géographique. Ce sont les Marocains, en vrai, qui ont mené la lutte révolutionnaire sur le sol algérien. Oseront-ils écrire que c’est l’Algérie qui a été transformée des décennies durant en lupanar à ciel ouvert par les libidineux et lubriques occidentaux ? Oseront-ils écrire que c’est le pouvoir algérien qui est totalement infiltré et soumis au lobby sioniste ? Oseront-ils écrire que l’Algérie est le premier producteur mondial de la drogue ? Oseront-ils écrire que l’armée colonialiste algérienne occupe le Polisario ? Avec preuves photographiques à l’appui.
Marx doit se retourner dans sa tombe par ces manipulations mémorielles dont il fait l’objet par les plumitifs de service du Makhzen.
En tout état de cause, si le destin a transporté le grand Marx en Algérie, ce ne fut certainement pas par hasard. Sur cette terre jalonnée de permanentes révoltes dirigées constamment sous l’étendard de l’égalité sociale selon les travaux de Charles André Julien, Marx savait qu’il côtoierait d’authentiques hommes ennemis de toutes les injustices sociales, animés par un esprit égalitaire millénaire.
N’est pas pays de révolutionnaires qui veut.
«Ce qui est déshonorant, ce n’est pas de mentir, c’est de se faire prendre en flagrant délit de mensonge. Il y a des maladroits du mensonge : ceux-là on devrait les reléguer dans la vérité et leur interdire d’en sortir.» Etienne Rey
M. K.
(1) Bien qu’il s’agisse d’un journal parodique, quelle que soit la véracité de l’article, l’information rapportée relatant les propos tenus par Manar Slimi dénote la perversité de la mentalité de certains cercles «intellectuels» marocains toujours animés d’une volonté de nuisance à l’encontre de l’Algérie. Même s’il s’agit probablement d’une satire, cette information dévoile l’état d’esprit de ces journalistes empreint de malignité scélérate
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