Washington accuse : «Le Maroc est une jungle pour les migrants subsahariens»
Par Akram Chorfi – Un rapport de Washington pointe un doigt accusateur en direction du Maroc pour cause de maltraitance des migrants subsahariens. L’heure est à la survie pour ces milliers de migrants qui ont dû, à leurs corps défendant, quitter leurs pays en proie aux conflits armés et à la misère.
Le rapport en question du département d’Etat américain, de récente publication, puisqu’il ne date que de quelques jours, fait état d’une tiédeur du Makhzen quand il s’agit de traquer et d’arrêter les trafiquants et de mettre fin à ce trafic, et également quand il s’agit de procéder à l’identification des migrants victimes de ces pratiques ignobles.
Plus loin, le rapport du département d’Etat américain s’arrête sur les conditions dans lesquelles vivent les migrants dont il est dit qu’elles sont difficiles, caractérisées qu’elles sont par une misère atroce et la honte qui accompagne cette situation dégradante pour des êtres humains.
Pour des migrants qui vivent, clandestinement, sans prise en charge aucune, en bordure de la Méditerranée, il n’y a que les poubelles, «tables» sordides servies à toutes les heures, qui leur permettent de se nourrir furtivement car cette soi-disant nourriture est aussitôt enterrée sous forme de déchets ménagers par les engins qui viennent mettre fin à l’ignoble banquet. Une scène qui se répète sempiternellement, à quelques dizaines de kilomètres de l’autre rive, rêve ultime de ces migrants, inatteignable pour beaucoup d’entre eux, et pour cause.
A la merci des trafiquants et des passeurs, ces migrants qui passent des mois, voire des années à ramasser de l’argent pour payer la traversée, ne choisissent pas leur embarcation, ni les conditions dans lesquelles ils seront transportés et expédiés au large de la grande bleue. Au Maroc, cette activité lucrative consiste à jeter aux poissons des migrants qui, au vu des embarcations dans lesquelles on les entasse, ne semble pas émouvoir les autorités qui ferment les yeux, comme le signale le rapport, alors que les chiffres des migrants qui se noient sont alarmants, qui trahissent, côté marocain, une gestion irresponsable, voire criminelle, de ce dossier.
La ville de F’nideq, plus connue des gens de l’intérieur du pays pour ses marchés propices aux bonnes affaires quand il s’agit d’acheter des produits de contrefaçon débarqués d’Espagne, est devenue également la plaque tournante du trafic d’êtres humains venus de différents pays d’Afrique, croupissant dans des dépotoirs immondes d’où émanent des odeurs insupportables, en attendant l’opportune randonnée nocturne vers l’inconnu. Une condition contrastant honteusement avec le luxe qui s’étale, à quelques encablures de là, dans un endroit somptueux, un palace, où le roi Mohammed VI a l’habitude de séjourner en villégiature avec des centaines d’invités arabes et européens.
Des chiffres impressionnants donnent une idée de l’ampleur du trafic et de l’exploitation honteuse dont sont victimes les Africains sur les côtes marocaines, eux qui rêvent de cet eldorado européen qu’ils veulent à tout prix rallier. Le prix, c’est souvent la perte des économies d’une vie et parfois, hélas, la vie même par noyade au large de la Méditerranée, après avoir consenti à donner des milliers d’euros à des trafiquants sans scrupules.
Ils sont, en effet, d’après les chiffres livrés par le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), plus de 17 500 migrants à avoir essayé de partir du Maroc vers l’Europe, via l’Espagne, alors qu’ils sont plus de 16 400 à le faire de Tunisie et de Libye, via l’Italie et la Grèce.
Les tentatives répétées, voire désespérées, de rallier l’autre rive, coûte que coûte, apportent leurs lots de cadavres, avec des dizaines de morts chaque mois, quand ce ne sont pas des centaines ; une tragédie humaine qui dévide, en effet, ses drames au quotidien, avec pour scène mouvante et mortifère la mare nostrum, rempart horizontal, cruel et mouvant, qui se dresse en obstacle absurde entre la détermination désespérée des migrants africains et la peur panique de l’Europe prospère, affichant son humanisme de circonstance et redoutant pour sa sécurité et sa prospérité.
Entre les deux, un Maroc dur et cruel, pour ces migrants, qui les livre à ses loups, faune dont regorgent ses villes et qui n’épargnent d’ailleurs, outre les migrants, ni les femmes ni les enfants marocains que l’infortune et la misère jettent chaque jour en pâture à la prédation urbaine.
A. C.
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