Révélation : quand la France voulait créer un «Israël pied-noir» en Algérie
Par Kamel M. – L’historien Roland Lombardi est revenu sur un «aspect international méconnu de la guerre d’Algérie», à savoir «le regard et l’implication d’Israël dans le conflit». L’historien révèle que la France avait envisagé, avec Israël, de créer une enclave en Algérie, une sorte d’Etat dans l’Etat qui réunirait la communauté juive.
L’historien français, qui rappelle que les services secrets israéliens étaient présents en force en Algérie durant la guerre 1954-62, note que des «réunions régulières» ont eu lieu entre les responsables des services de renseignements français et israéliens, lesquelles ont «permis d’échanger des informations cruciales et sensibles, notamment au sujet du soutien que l’Egypte apporte aux nationalistes algériens».
Le Mossad israélien a également participé à «l’exécution d’actions subversives, consistant à organiser, par exemple, des actes de sabotage et d’autres opérations spéciales non conventionnelles». On apprend ainsi que le FLN n’était pas uniquement en guerre contre la France, mais aussi contre l’Etat hébreu, «Israël jouant directement un rôle important dans la lutte contre le FLN algérien, à l’étranger, certes, mais aussi, chose méconnue jusqu’ici, sur le sol même de la colonie française», écrit Roland Lombardi, dans une étude historique parue dans Réseau International.
On apprend aussi que le Mossad encadrait des «milices juives d’autodéfense» et participait même «directement à des opérations de contre-terrorisme» – traduire les actions menées par l’ALN, via des renseignements recueillis auprès de ressortissants israéliens «nombreux» et qui «bénéficiaient d’une totale liberté de mouvement». «Très présents en Algérie pendant le conflit, ils recueillent de nombreuses et d’importantes informations sur les activités des nationalistes algériens. Informations dont ils font bien sûr profiter pleinement les autorités françaises et qu’ils récoltent notamment grâce à l’importante communauté juive dont, notons-le au passage, nombre de ses membres sont arabisants et parfois très proches de la communauté musulmane», précise l’historien.
Roland Lombardi se réfère aux révélations d’un ancien agent du Mossad, Avraham Barzilai, en poste en 1956 en Algérie, sur «une opération des services israéliens consistant à entraîner et armer des groupes composés de jeunes juifs de Constantine pour faire la guerre au FLN et notamment une opération de représailles lancée sur ses ordres et menée par des hommes de sa cellule après un attentat à Constantine, le 12 mai 1956».
A l’approche de l’indépendance, Israël faisait savoir à De Gaulle que «l’abandon de l’Algérie par la France» signifierait un «bouleversement radical». Dès lors, une option fut envisagée pour placer l’Algérie dans le giron d’Israël, en y créant un Etat qui regrouperait la communauté juive d’Algérie. «Cette nouvelle voie va être étudiée très sérieusement», écrit l’historien, qui cite un rapport intitulé «Faut-il partager l’Algérie ?». Le rapport, élaboré par un proche du général De Gaulle, envisageait, entre autres, de «partager» Alger «comme Berlin ou Jérusalem» : «La Casbah d’un côté, Bab El-Oued de l’autre, une ligne de démarcation au milieu.»
David Ben Gourion s’est déplacé «en personne à Paris» pour «conseiller et essayer d’influencer le général De Gaulle pour suivre l’option de la partition», révèle enfin l’historien Roland Lombardi, qui explique que l’indépendance de l’Algérie allait marquer, aux yeux des Israéliens, la fin de leur alliance avec la France qui «ne se justifie que par l’existence d’un ennemi commun».
K. M.
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