Comment les islamistes tentent de récupérer la contestation dans le Sud
Par R. Mahmoudi – Après Adrar et Béchar, la ville d’Ouargla a été, cette semaine, le théâtre de nouveaux troubles causés par des manifestations de chômeurs, qui réclamaient des emplois mais, surtout, plus de considération pour les populations du Sud qu’ils estiment lésées et abandonnées par le pouvoir central.
Dans un rapport, la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) tire la sonnette d’alarme sur les périls qui guettent le pays à cause de la situation qui prévaut dans le Sud, en critiquant sévèrement les solutions de replâtrage auxquelles avaient eu recours les différents gouvernements pour tenter de désamorcer la crise et parer à d’éventuelles explosions.
Selon l’étude de la Ligue, la fermeture des frontières avec le Mali et le Niger est venue aggraver la situation dans les régions du Sud algérien dans le sens où l’arrêt du «libre-échange» entre les trois pays s’est négativement répercuté sur la situation sociale des populations locales. La Ligue appelle les autorités à trouver rapidement une solution de rechange à ce blocage.
La LADDH qualifie la situation de «bombe à retardement» qui peut exploser à tout moment, «avec les risques d’immixtion de forces étrangères qui cherchent à exploiter la conjoncture pour appliquer des agendas bien définis».
Plus grave encore, les tentatives de récupération politique de la contestation sociale semblent avoir pris le dessus cette fois-ci, notamment à Ouargla, où la colère des citoyens contre l’organisation d’un gala de musique raï dans la ville a été transformée en démonstration politique, avec la grande prière collective organisée, il y a quelque jours, sur la place publique par les islamistes en signe de rejet de toute activité festive.
En jouant à la fois sur la ferveur religieuse de la population et sur le sentiment d’injustice partagé par un grand nombre de jeunes de cette région, les islamistes pourraient être tentés de rééditer la même manœuvre ailleurs. Ils avaient déjà réussi le même coup, il y a quelques mois, successivement à Constantine et à Béjaïa, en faisant interdire des galas prévus avec des chanteurs de raï, au nom de l’austérité pour le premier, et au nom de la morale publique pour le second.
Ce qui conforte davantage l’hypothèse d’une manipulation islamiste, c’est la célérité avec laquelle le chef du MSP, Abderrazak Mokri, a réagi à cet événement inédit qui a été organisé à Ouargla. Dans un écrit posté sur sa page Facebook, samedi, le leader islamiste prend la défense des organisateurs de cette prière «symbolique» et estime que ceux qui, parmi les «modernistes, les laïcs et les libertaires», s’en sont pris aux citoyens d’Ouargla n’ont pas compris que ce geste est «un acte politique et civilisationnel par excellence». Il trouve que la religion a prouvé qu’elle était «capable de réveiller les consciences contre l’injustice».
R. M.
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