Trump d’Arabie
Par Akram Chorfi – Le temps semble s’être figé en cette Arabie de la fin du XIXe-début XXe où l’illustre Lawrence d’Arabie, cet écrivain en mal d’inspiration exotique, a accompli, au service de son pays, et aux dépens des nations ottomane et arabe, ce que nulle armée n’a pu faire.
Lawrence a eu un rôle relativement facile. Un accoutrement local, des bribes d’arabe et ce charisme que lui conférait son statut de représentant de la Perfide Albion, aux yeux de bédouins arabes fanatisés, incapables de saisir les enjeux de la géostratégie de l’époque, justes bons pour la guérilla du désert, prêts à en découdre avec leurs frères ottomans (turcs).
Nous revoilà avec le même synopsis rédigé de la main d’un autre d’Arabie, Trump le bien nommé, qui s’avise de lancer en guerre contre l’Iran une Arabie plus riche que jamais, que l’on voudrait «otaniser» pour la condamner à être le chien de guerre d’une géostratégie qui ne profitera qu’à Israël – par rapport à laquelle la Turquie, échaudée, se démarque – et aux seuls Etats-Unis d’Amérique.
Rien dans cette réédition de l’Histoire ne semble émouvoir les Arabes, auxquels l’on voudrait faire revivre le même scénario, en leur faisant brandir l’ogre iranien comme l’ennemi à abattre ou l’ennemi dont il faut se défier au point de justifier une coalition pérenne, de la même envergure que l’Otan.
Ont-ils au moins conscience qu’ils ont été savamment manipulés par Lawrence d’Arabie qui a servi les intérêts de la Grande-Bretagne ? Car, en ce qui concerne Trump d’Arabie, le tact n’est pas de la partie, c’est plutôt un «hulaku» des temps modernes qui dicte ce qui doit être fait au nom d’une géostratégie prospective qu’il veut absolument dessiner sur la carte du Moyen-Orient.
Et si Lawrence d’Arabie lorgnait, au-delà de son patriotisme inconditionnel, du côté de la Syrie qu’il voulait voir émancipée, car susceptible d’une modernité que les Arabes d’Arabie ne pouvaient concevoir, Trump, lui, n’envisage, dans son projet moyen-oriental, que le chaos «contrôlé».
N’est-ce pas la première fois qu’un président américain puise à volonté dans les caisses saoudiennes et infléchit la politique de cette monarchie dans le sens des intérêts américains ? Les Saoudiens s’accommodant de l’idée flatteuse d’être les alliés stratégiques de la plus grande puissance du monde, qui les aide – suprême illusion – à combattre le chiisme, et à qui ils sont prêts à concéder, avec tous leurs satellites, la Palestine, ses rêves et ses espérances.
A. C.
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