La consanguinité en Algérie, un facteur de vulnérabilité et de sous-développement
Par Abdelkader Harfouche* – Selon une enquête de la Fondation pour la recherche médicale (Forem, 2007), 38,30% des mariages en Algérie sont consanguins. Les résultats de cette enquête, première du genre en Algérie, montrent un taux de consanguinité variable d’une wilaya (département) à une autre. Le taux le plus élevé a été enregistré dans la wilaya de Tébessa (Est), avec 88%, tandis que le plus bas a été recensé à Oran (ouest), avec 18,50%. Le professeur Khiati et sa Fondation font un travail formidable et rendent un service inestimable à la société algérienne. Mais le travail de cette organisation bénévole et non gouvernementale restera insuffisant s’il n’est pas repris par la majorité des Algériens, quels que soient leur statut, leur instruction ou leurs convictions.
Une cartographie précise reste à établir ainsi qu’une décomposition de la variance de la consanguinité par région et par degré de parenté des couples : mariage entre cousins germains = 1er degré ; mariage entre petits-cousins = 2e degré ; etc. Une telle approche permettrait de décomposer la variance due à la consanguinité totale en ses composantes liées au facteur géographique et au degré de parenté et d’étudier l’importance de l’effet de chaque composante dans l’effet global.
Un taux de 88%, comme celui enregistré dans la wilaya de Tébessa, semble plus tenir du cauchemar que de la statistique et devrait nous pousser à la réaction très rapidement. Qui d’entre nous oserait nier la recrudescence des crimes de tous genres, assassinats d’enfants et d’adultes, viols, vols, infractions en tous genres dont les graves infractions au code de la route, corruption, trafic de drogue, violence dans les stades, paresse physique et intellectuelle (l’Algérien lit 8 lignes d’un livre en moyenne par an) ? Nous devons, avant d’investir dans le matériel et l’équipement, investir dans la ressource humaine, seule garante d’une prospérité durable, en rénovant notre école − une école qui apprend à réfléchir non une école qui cultive le «parcœurisme» −, notre société et nos structures culturelles.
La consanguinité est un danger grave qui nous menace dans notre existence même en tant que peuple libre, indépendant et prospère. Comme conséquence de ce phénomène morbide, le quotient intellectuel (QI) moyen en Algérie est parmi les plus bas au monde : 82. La consanguinité est devenue non seulement un problème majeur de santé publique grevant lourdement les budgets du ministère concerné ainsi que les dépenses de Sécurité sociale, mais aussi un frein à notre développement ; c’est une question de vie ou de mort, une question existentielle. La société et l’Etat doivent conjuguer leurs efforts pour juguler ce phénomène nocif en sensibilisant la population, voire en dissuadant les mariages consanguins par l’élaboration de lois ad hoc. L’avenir de notre pays en est tributaire et il faut agir avant qu’il ne soit trop tard, sous peine de voir notre état de sous-développement s’aggraver de sorte que même un baril à 1000 dollars n’y pourrait rien faire, la ressource principale des peuples étant leur intelligence et leur aptitude à la création, à la production et à l’innovation.
A ce propos, une étude effectuée par une équipe de chercheurs de l’université d’Istanbul, portant sur la liaison entre la consanguinité et le développement économique, a conclu que les pays ayant pu se développer étaient ceux qui ont pu limiter, voire empêcher les mariages consanguins, ce qui a préservé leur capital humain, physique et intellectuel (M. Bildirici et al., 2010, Journal of family history). Dans certains pays comme l’Iran, le taux de consanguinité tend à baisser suite à des mesures prises par l’Etat. Certains gouvernements arabes, conscients du handicap de la consanguinité sur le développement de leur pays et avertis par les nombreuses études montrant une liaison directe entre consanguinité et sous-développement, commencent à prendre conscience du problème ; en Arabie Saoudite, pourtant réputée pour son rigorisme religieux, une campagne d’information et de sensibilisation a été lancée, dès 2003, auprès de la population ; au Qatar, pays également rigoriste, l’émir a imposé, en 2011, un test de consanguinité avant le mariage et lancé la constitution d’un fichier génétique national.
Il faut savoir qu’en contractant un mariage consanguin ou en l’encourageant, nous handicapons non seulement les enfants qui en naîtront, mais aussi l’avenir de notre pays. Et, dans le monde des humains, les plus faibles, individus ou Etats, ont toujours tort. Alors, prenons nos responsabilités et engageons-nous dans la voie du bon sens avant qu’il ne soit irrémédiablement trop tard. La consanguinité massive dans notre culture est l’arme fatale qui nous conduit inexorablement à notre perte.
A. H.
(* généticien et améliorateur des arbres forestiers, ancien étudiant en médecine)
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