Alpha Condé : «C’est à cause de la France que la Guinée est en retard»
Par Sadek S. − Le président guinéen, Alpha Condé, a attribué, dans une interview accordée dimanche à TV5 Monde, RFI et Le Monde, une grande part des difficultés traversées par son pays depuis l’indépendance en 1958 à l’attitude de la France.
«Les Français doivent savoir que si la Guinée a été en retard, il y a la responsabilité des chefs d’Etat guinéens mais aussi la responsabilité de la France de l’époque», a-t-il insisté dans cet entretien, donné la veille du 60e anniversaire de l’indépendance de son pays. «Lorsque nous avons pris l’indépendance en 1958, du jour au lendemain tous les cadres français sont partis, la Guinée est restée sans cadres. On a voulu anéantir économiquement le peuple de Guinée», a déclaré M. Condé. A ce propos, il a tenu à rappeler que «la Guinée a été mise en quarantaine (…), il a fallu que l’Union soviétique et la Chine viennent porter secours à la Guinée, tous les Français étaient partis, on n’avait pas de cadres».
La Guinée est devenue le premier pays d’Afrique subsaharienne à obtenir sa souveraineté de la France, après avoir voté non le 28 septembre 1958 au référendum instituant une communauté franco-africaine, proposée par le général De Gaulle. De cet épisode, Alpha Condé a indiqué tirer «deux messages» pour la jeunesse guinéenne. En 1958, la Guinée «s’est donné la main comme un seul homme pour appeler à voter non. Si nous voulons, nous pouvons de nouveau être unis pour faire face aux défis de la Guinée, ça c’est le premier message», a-t-il dit. «Le deuxième, c’est que le gouvernement français à l‘époque n’a pas eu une attitude correcte, ce qui a fait que, pendant longtemps, les rapports avec la France ont été tendus», a-t-il déploré. «L’histoire de la Guinée ne se ramène pas à la violence», a-t-il par ailleurs souligné.
L’indépendance de la Guinée a démarré effectivement sur un conflit de séparation avec la France. En 1958, Sékou Touré refuse de poursuivre un pacte post-colonialiste avec la France, un non-alignement qui froissera le général de Gaulle jusqu’à la fin de son mandat. Le 25 août 1958, après des visites triomphales à Madagascar, au Congo et en Côte d’Ivoire, le général de Gaulle est froidement reçu par Sékou Touré qui déclare dans son discours «Je préfère la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage», ce à quoi De Gaulle rétorque : «L’indépendance est à la disposition de la Guinée […] la métropole en tirera, bien sûr, des conséquences.» L’indépendance de la Guinée est vécue comme une humiliation par les politiques français qui se vengent en fermant complètement la porte à ce pays. Les liens diplomatiques sont définitivement rompus en 1965.
S. S.
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