Contribution – «La France nous prépare une seconde guerre d’Algérie ?» (II)
Par Kaddour Naïmi – Quelques questions que soulèvent certains faits.
Les autorités françaises déclarent lutter contre le terrorisme au sud de l’Algérie. Comment, dès lors, expliquer leur soutien matériel et militaire direct aux terroristes présents en Syrie, présentés par la propagande de l’oligarchie française en «rebelles contre le régime dictatorial de Bachar Al-Assad» ?(3) Devant la victoire de l’armée syrienne contre ces terroristes, comment expliquer les ultimes agressions d’avions et de navires militaires français contre des objectifs syriens ?
Les autorités états-uniennes déclarent lutter contre le terrorisme partout dans le monde. Or, seuls les naïfs et les ignorants ne savent pas que les vrais maîtres, formateurs, organisateurs et soutiens des terroristes se réclamant de l’islam sont la CIA et l’armée états-unienne. Dès lors, peut-on croire que la base militaire états-unienne nigérienne, au sud de l’Algérie, sert réellement à lutter contre le terrorisme ?
Certains évoquent la réouverture de la frontière avec le Maroc en prétextant des motifs de profitable commerce et d’«humanitaire» conjonction de familles. Ne serait-ce pas, en réalité, pour déverser sur le peuple algérien des tonnes de cocaïne ? Rappel historique : les autorités coloniales anglaises avaient établi le criminel commerce de l’opium, avec lequel elles avaient neutralisé une partie consistante du peuple chinois.
Chaque jour, les journaux algériens relatent les traitements que des représentants de l’autorité française font subir à des citoyens algériens, tant au service des visas d’Alger qu’en France. Et le regretté Rachid Taha a laissé un testament où il décrit comment les moyens de (dés)information, gérés par l’oligarchie française, présentent tout ce qui est «arabe», autrement dit algérien(4).
Nous voici revenu au premier point exposé dans ce texte : les harkis de la France coloniale.
Nous avons déjà signalé le langage employé par les personnes qui veulent leur reconnaissance et leur réhabilitation. Le terme «conciliation» n’appartient-il pas au vocabulaire habituel «humanitaire» de la propagande états-unienne, française et anglaise ? Un principe universel de justice affirme, depuis que l’espèce humaine raisonne, qu’un criminel reste un criminel ; tout au plus, s’il reconnaît publiquement son méfait, il peut être l’objet d’une certaine considération. Mais s’il garde le silence sur son acte, alors, il aggrave son crime par son mutisme. Aussi, le plaidoyer en faveur des harkis doit tenir en considération le fait que les harkis doivent commencer par reconnaître publiquement leurs méfaits et demander pardon aux familles de leurs victimes.
Et voici la «mère» des questions, pour employer une fameuse expression. En Algérie, après l’apparition de la minorité religieuse salafiste, puis des indépendantistes du MAK pro-sioniste, est-ce que ces harkis que certains veulent faire revenir en Algérie ne seraient pas, en réalité, une cinquième colonne, encore une fois au service du néo-colonialisme français ? La contribution précédente s’intitulait «Pour en finir avec les harkis» ; celle-ci pourrait avoir comme titre : «Pour recommencer avec les harkis». Dans un commentaire de la contribution précédente, un lecteur nommé «Dupard» me sollicite pour fournir des preuves de dirigeants français demandant à l’Etat algérien la reconnaissance et la réhabilitation des harkis. Les actes de ces dirigeants français parlent mieux que leurs paroles : à savoir leur insistance à remettre sur le tapis des discussions avec les responsables de l’Etat algérien sur l’éventuel retour en Algérie des harkis et même de restituer certains de «leurs» biens. N’est-on pas dans le cas formulé par le dicton populaire français : vouloir le beurre, l’argent du beurre et même plus encore de la fermière ? Et les dirigeants français prennent-ils ceux de l’Algérie pour des Mobutu ?
La «démocratie» de la rapine guerrière
Retournons au titre de cette contribution : «La France nous prépare une deuxième guerre d’Algérie ou quoi ?» Répondons à cette question par d’autres. 1) Une oligarchie, en l’occurrence française, telle qu’elle existe depuis toujours, peut-elle se résoudre à avoir «perdu» l’Algérie et ses richesses et donc devenir une puissance économique tout à fait secondaire, perdant ainsi sa «grandeur» oligarchique ? 2) Si tel était le cas, pourquoi son armée a agressé la Libye puis, à présent, agresse la Syrie ? Rappel : ce dernier pays faisait partie de son «empire» colonial sous forme de «protectorat».
Autre fait. Il est toujours utile de connaître le parcours professionnel et politique du président d’une nation. Veuillez prendre connaissance de celui, convenablement documenté, du président actuel de la France, Emmanuel Macron(5). C’est un «pur» jus de l’oligarchie financière française. Et, pour corser le «jus», il est en liaison de dépendance avec l’oligarchie états-unienne. Nous sommes aux antipodes des présidents Charles de Gaulle ou Jacques Chirac. Après avoir pris connaissance, donc, du profil politique d’Emmanuel Macron, pourrait-on se permettre de croire qu’il ne veut que du bien au peuple algérien, qu’il désire sincèrement l’aider à se développer économiquement, à se doter de son indépendance économique après celle politique ? Est-ce ainsi que ce président «aide» le peuple syrien, avec les missiles de son armée et les forces spéciales sur le terrain, notamment auprès d’une partie des Kurdes ?
Oui, on connaît désormais le moyen propagandiste des oligarchies néocoloniales française, anglaise et états-unienne : leurs actions militaires ne consistent qu’à rendre la «démocratie» aux peuples. Certes, et beaucoup de fois hélas ! les dirigeants de l’Algérie ne se distinguent pas par le respect suffisant des droits démocratiques des citoyens. Mais ce fait n’autorise ni ne justifie des dirigeants néocolonialistes étrangers à jouer cette carte de la démocratie, comme ils l’ont toujours fait, partout, pour tromper les peuples, tant celui du pays agresseur que de celui agressé. Chaque fois que cette oligarchie s’est immiscée dans les affaires internes des peuples, toujours et partout, ce fut pour le malheur de ces peuples et pour le bonheur des «actionnaires» de cette même oligarchie. Encore aujourd’hui, nous le constatons en Afghanistan, en Palestine, en Ukraine, en Syrie et ailleurs.
Deux erreurs à éviter
Revenons à la France. Deux erreurs sont absolument à éviter.
La première : confondre le peuple de France avec l’oligarchie qui le domine, moyennant un conditionnement médiatique, géré par des membres de cette même oligarchie, où la «démocratie» consiste à choisir toutes les quatre ou cinq années entre des politiciens «socialistes» et «libéraux», tous les deux étant, de manière identique, les harkis de la caste financière de France.
Pour éviter de tomber dans cette erreur, rappelons des faits historiques.
Les mêmes généraux ont réprimé les révoltes populaires en France et en Algérie colonisée. Deux exemples significatifs. Dans les années 1840, Cavaignac employa l’armée contre les révoltés algériens résistants à l’occupation coloniale, puis il fit donner la soldatesque contre les ouvriers parisiens en révolte. Dans les années 1950, Massu commanda l’armada colonialiste contre la lutte armée algérienne pour l’indépendance, puis, en 1968, il servit de recours au président De Gaulle qui abandonna l’Elysée suite au plus grand mouvement de révolte sociale connue en France depuis la Commune de Paris de 1871.
C’est dire qu’il faut veiller absolument à ce que les peuples ne soient pas opposés pour faire le jeu des oligarchies qui les dominent. Au contraire, il faut tout accomplir afin que les peuples (autrement dit, les dominés-exploités de toute nation) demeurent solidaires entre eux. Par conséquent, ce n’est pas la «France» qui veut une seconde guerre en Algérie, mais l’oligarchie qui la domine.
Seconde erreur à éviter. Ne pas tomber dans le piège mis en évidence lors du soi-disant «printemps arabe» : que les légitimes revendications démocratiques en Algérie ne soient pas chevauchées, conditionnées, manipulées clandestinement par des services secrets néocoloniaux, en premier lieu français, ni par leurs harkis indigènes, déclarés ou masqués. A ce sujet, notamment, apprendre à lire convenablement les contenus des réseaux sociaux, en les confrontant à des sources fiables de contre-information, disponibles sur Internet. Les trouver demande du temps et des efforts. Sans oublier cette règle fondamentale : que l’esprit, la logique et la raison commandent aux émotions. Ces dernières sont le point faible des peuples, notamment les jeunes.
Seconde guerre ?
Pourquoi cette seconde guerre contre l’Algérie, demanderait-on ? Pour au moins deux motifs.
L’un est vulgairement matériel : remettre la main sur les ressources naturelles de l’Algérie, notamment le pétrole et le gaz, éléments stratégiques de base de toute domination et, accessoirement, reprendre à faire «suer le burnous» des «Indigènes».
L’autre motif est psychique : prendre la revanche sur la défaite subie qui a obligé à reconnaître l’indépendance de l’Algérie. Et, cela, pour l’«honneur» et pour retrouver la «grandeur» de la «France» (entendre des membres de son oligarchie).
Ces deux motifs expliquent l’agression militaire française actuelle en Syrie. Avec l’espoir d’en faire une étape pour une rebelote avec la «chère» et tellement regrettée ex-«province française» d’Algérie. Car les membres de l’oligarchie française sont incapables, par nature de leur raisonnement (et quel que soit son maquillage en instruction universitaire), d’accepter que de «vulgaires fellagas, bédouins, arabes, berbères, analphabètes, bougnouls, bicots, sauvages, barbares» aient pu les chasser de «leur» magnifique Territoire d’outre-Méditerranée.
Au vu des faits objectifs qui caractérisent le comportement des membres de l’oligarchie française, représentée par son Président, et sachant quelle est la nature psychique de toute oligarchie, notamment ex-coloniale, en particulier sa rapacité financière et la démesure de son égo dominateur, il n’y a pas de doute qu’après la Libye et la Syrie, la France [oligarchique] prépare une seconde guerre d’Algérie.
Que l’on fournisse des faits concrets qui invalident raisonnablement cette hypothèse. Nous serions beaucoup à en être heureux, pour les peuples des deux rives de la Méditerranée.
K. N.
(Suite et fin)
(1)Pour en finir avec les harkis de la France coloniale, https://www.algeriepatriotique.com/2018/09/25/contribution-pour-en-finir-avec-les-harkis-de-la-france-coloniale/
(3) Laurent Fabius, alors ministre «socialiste», eut l’outrecuidance de déclarer : «Al-Nosra [branche d’Al-Qaïda] fait du bon boulot en Syrie».
(5) Comment faire du neuf avec du vieux : de la Fondation Saint-Simon à Emmanuel Macron, par Thierry Meyssan, http://www.voltairenet.org/article196012.html
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