Rome organisera une conférence sur la Libye en novembre : l’Italie court-circuite l’initiative française
Par Sadek Sahraoui − Le ministre italien des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, annonce la tenue d’une conférence sur la Libye les 12 et 13 novembre à Palerme, en Sicile. Il a précisé que les discussions se concentreront sur une «approche inclusive» en vue de stabiliser le pays déchiré par la violence et les guerres d’influence.
La Libye est dirigée aujourd’hui par deux entités rivales : le Gouvernement d’union nationale (GNA) issu d’un processus onusien et basé à Tripoli et une autorité rivale installé dans l’Est, soutenu par un PParlement et une force armée dirigée par le maréchal Khalifa Haftar.
Cette conférence de paix visera à «identifier les étapes d’un processus de stabilisation », a déclaré le ministre au Sénat. L’objectif est d’aboutir à «une solution commune, même s’il y a des différences d’opinion entre les différentes parties», a précisé M. Milanesi, qui a affirmé avoir reçu des «confirmations d’intérêt» pour la conférence de la part du maréchal Khalifa Haftar ainsi que le soutien des Etats-Unis, ajoutant avoir l’intention d’évoquer ce dossier avec son homologue russe Sergueï Lavrov lundi à Moscou. «Aucune date-butoir ne sera imposée aux Libyens», a-t-il affirmé.
Réunis à Paris fin mai par le président français Emmanuel Macron, les quatre principaux protagonistes du conflit libyen s’étaient engagés à organiser des élections générales le 10 décembre. Si la France a continué à presser pour le respect de ce calendrier, plusieurs analystes et diplomates ainsi que les Etats-Unis et l’Italie ont estimé que la fragmentation et l’anarchie dans le pays rendaient ces promesses fragiles. Rome n’avait par ailleurs accusé la France de faire cavalier seul dans ce dossier dans lequel elle compte beaucoup d’intérêts.
De son côté, l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, a déclaré aussi à la presse cette semaine qu’il était difficile de tenir des élections le 10 décembre, comme prévu par le calendrier adopté à Paris, en raison des violences et des retards dans le processus législatif. «Il y a encore énormément à faire. Il se peut qu’on ne puisse pas respecter la date du 10 décembre», a dit M. Salamé dans un entretien à la presse, estimant qu’un scrutin ne pourrait se tenir avant «trois à quatre mois».
L’initiative française a-t-elle une chance d’aboutir ? Difficile à dire. Une partie libyenne a en tout cas l’air de voir cette conférence d’un mauvais œil. C’est le cas par exemple du ministre libyen des Affaires étrangères, Mohammed Siala, qui a souhaité lundi que la mise en œuvre de la feuille de route approuvée par les Nations unies. «Nous espérons que la mise en œuvre de la feuille de route approuvée par les Nations unies, qui a été saluée par les Libyens et la communauté internationale, sera achevée sans de nouvelles initiatives des pays qui ont brouillé la scène politique et prolongent le processus de stabilisation, et l’édification d’un Etat civil démocratique», a déclaré M. Siala lors d’une réunion avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
Le ministre libyen des Affaires étrangères, qui a dirigé vendredi la délégation libyenne participant aux activités de la session 73 de l’Assemblée générale des Nations unies, a en outre indiqué à l’occasion qu’il s’«opposerait à tous ceux qui voudraient imposer leur volonté en Libye par la force des armes, comme lors des attaques récentes à Tripoli, qui ont provoqué des déplacements parmi les civils». La sortie de Mohammed Siala montre à tout le moins que l’écheveau libyen ne sera pas facile à démêler par les Italiens.
S. S.
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