Une femme au milieu de 40 000 supporters hommes au stade du 5-Juillet
Par Lina S. – C’est une nouvelle leçon de savoir-vivre que vient de nous inculquer l’ambassadeur des Etats-Unis à Alger, qui s’est déplacé au stade du 5-Juillet accompagné de son épouse, pour regarder le match qui a opposé les deux clubs algérois, le MCA et l’USMA. Dans les tribunes, les supporters étaient tous des hommes, les Algériennes évitant de se rendre dans cette arène où les règles de bienséance ne sont pas de mise.
Après donc les ambassadeurs européens qui ont pris le râteau et la pelle pour nettoyer nos plages sur lesquelles jonchent nos immondices cholérisantes, c’est au tour du couple américain de nous apprendre à nous décomplexer et à faire d’un stade de football un lieu de détente et de spectacle propre, dans lequel les voyous ne doivent pas avoir leur place.
L’ambassadeur et son épouse ont paru très heureux d’assister à l’empoignade entre deux clubs historique de la capitale. Aiment-ils forcément le football ? Qu’importe. Le match en lui-même ne semble pas être la fin en soi de la présence de John P. Desrocher et son épouse. L’ambassadeur des Etats-Unis multiplie, en effet, les déplacements à l’intérieur du pays et cherche à côtoyer les citoyens, loin de tout protocole. En se fendant ainsi dans la foule, le représentant diplomatique de la première puissance mondiale veut montrer aux autorités politiques algériennes qu’il s’informe auprès de la rue et ne se contente pas de rédiger ses rapports sur la base des commentaires de la presse à partir de ses bureaux capitonnés d’El-Biar, sur les hauteurs d’Alger.
L’ambassadeur des Etats-Unis semble aussi vouloir montrer que la situation en Algérie est «normale» et que les jeunes Algériens, majoritaires dans la société mais minoritaires dans la politique, sont plus concentrés sur les problèmes – mais aussi les plaisirs – de tous les jours que sur l’agitation politique qui fait la Une des médias ces dernières semaines. Cela, même si les supporters de l’USMA sont connus pour leurs slogans éminemment politiques. Il va sans dire, d’ailleurs, que John P. Desrocher a dû suivre de près l’affaire de la mini-crise qui a éclaté entre l’Algérie et l’Irak suite au match qui a opposé les Rouge et Noir à un club de Bagdad, match interrompu en raison du retrait de ce dernier «fâché» que les supporters locaux évoquent le nom de Saddam Hussein.
Une première expérience avait été tentée après une campagne visant à faire admettre les femmes dans nos stades, mais son succès fut vite effacé par les atavismes de mâle et le retour aux «bonnes vieilles habitudes» de nos supporters pour lesquels les gradins sont faits pour s’échanger des coups et des insanités et non un lieu de fair-play et de joie partagée par tous et… toutes.
L. S.
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