Comment casser un pays musulman
Par Bachir Medjahed – Dès lors qu’ils sont titillés sur le «sacré», les pays musulmans se plaisent à se donner en spectacle sur la scène internationale et jouent alors des pièces qui sont écrites ailleurs.
Comment casser un pays musulman ? Les puissances occidentales n’ont plus besoin de l’envahir pour y parvenir. Il suffit d’étudier leurs stratégies d’influence lors des campagnes électorales pour comprendre que ce sont les musulmans – ou plutôt les Arabes eux-mêmes – qui induisent des éléments de leur propre théâtralisation ou mise en scène. Quand des élections se tiennent, les candidats contactent les chefs de tribus, les représentants d’ethnies ou de confessions, et l’affaire est gagnée. Pour diviser ou rendre instable le pays ciblé, pour le rendre extrêmement vulnérable, détruire sa cohésion, le mener vers sa désintégration ou, à tout le moins, vers une guerre civile interminable, il n’est plus utile de l’envahir ; il suffit de manipuler les facteurs confessionnels, identitaires et ainsi le plonger dans le chaos avec l’idée qu’en réalité, il ne peut pas y avoir un chaos reconstructeur.
Ceux qui ne le subissent pas parlent de chaos constructeur, de régression féconde, le traduisent par l’expression «en chaque jour, malheur est bon» et recommandent la résignation ad vitam ad æternam. Le patriotisme communautaire est devenu suprême, au-dessus de tous les autres patriotismes. Alors, l’Etat communautaire passe avant l’Etat nation. Les pays arabes sont en train de mettre leur unité en péril.
Les désintégrations se suivent, les premières produisant inévitablement les secondes et ainsi de suite, comme la fission nucléaire qui ne s’arrête pas quand elle est amorcée. C’est comme le terrorisme ; c’est un phénomène transfrontalier. Seulement, le terrorisme ; la prospérité, par contre, se garde d’être transfrontalière.
Quelles autres menaces sont transfrontalières ? Les idées le sont, mais pas celles qui permettent l’éveil national. Les capitaux malsains le sont, ceux qui sont le produit de pillages, de corruption et, qui plus est, dans un seul sens. Les hommes le sont quand ils sont parrainés en vue d’entamer des opérations de destruction des pays musulmans ciblés et rappelons que ce ne sont pas tous les pays musulmans – ou dits arabes – qui le sont.
L’Algérie n’a bien sûr pas intérêt – vraiment aucun intérêt – à ce qu’au Mali, l’amorce du processus de désintégration de l’union nationale malienne aille jusqu’à son aboutissement, c’est-à-dire la sécession. Un dangereux précédent après le cas soudanais où la révolte du Sud contre le Nord a provoqué la perte de l’union territoriale. Le Sud Soudan s’est séparé du Nord Soudan et a acquis son indépendance. On dit que cette scission était préméditée par les colons britanniques qui géraient le Nord musulman et le Sud chrétien comme s’il s’agissait de deux peuples différents.
L’alliance opérée par le général président soudanais avec les islamistes menés par Hassan Al-Tourabi avait davantage encouragé le Sud chrétien à se révolter contre la volonté du Nord islamiste à imposer la charia au Sud chrétien. Une telle révolte face à un processus de déculturation, soit un génocide culturel et confessionnel annoncé, ne pouvait que mener à la séparation.
L’Afrique connaît en la matière une effervescence tournante. Pratiquement, l’Afrique est approchée sous l’angle des confits intra-étatiques. Désormais, le monde arabe n’est pas en reste : des ethnies multiples et des confessions différentes et rendues incompatibles dans leur cohabitation au sein des pays africains. Les mêmes problèmes au sein des pays arabes.
Le Liban n’est pas près de se réveiller dans l’unité, l’Irak non plus. N’oublions pas la Libye, la Somalie, la Tunisie, un début au Maroc, alors que des pays musulmans ont perdu leur unité politique, soit l’Afghanistan, le Pakistan.
L’OCI, qui regroupe les pays musulmans – alors qu’il y a des minorités non musulmanes –, la Ligue arabe – alors qu’il y a des minorités qui se disent non-Arabes –, l’UMA – mêmes remarques – sont des coquilles vides.
Certains des pays arabes, dit-on, ont pratiquement transféré leurs responsabilités de politique de défense et de politique extérieure vers les Etats-Unis. On dit même que l’abondant équipement militaire, en qualité et en quantité, acquis auprès des Etats-Unis serait du matériel pré-positionné pour servir directement aux militaires américains en cas de besoin dans la région.
Le doute est justifié compte tenu qu’il y a actuellement en cours la mise en œuvre d’une politique d’éternels affrontements entre les chiites et les sunnites, soit un affrontement que les contradictions et passions religieuses poussées à l’extrême et liées à des enjeux géopolitiques ne promettent pas de s’éteindre.
B. M.
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