Divorce consommé entre le président Emmanuel Macron et les Français
De Paris, Mrizek Sahraoui – Des forces de police qui se disent usées réclamant le rétablissement de l’état d’urgence et l’intervention de l’armée pour le maintien de l’ordre ; un Premier ministre désavoué par le président ; des ministres aux abonnés absents ; une majorité parlementaire qui ne sait plus que dire et que faire ; des marcheurs en panne sèche ; un Président muet ; un samedi qui s’annonce apocalyptique et des Gilets jaunes – [en marche] vers l’Elysée – plus que jamais sur le pied de guerre, et qui exigent la démission d’Emmanuel Macron… En un mot ou en plusieurs : la République française vacille.
L’appel à la responsabilité du Premier ministre, estimant que «tous les acteurs du débat public, responsables politiques, syndicaux, éditorialistes et citoyens, seront comptables de leurs déclarations» et celui au calme du ministre de l’Intérieur traduisent la panique au sommet de l’Etat. Une bavure, une victime directe en marge de la manifestation de samedi prochain, acte IV de la révolte citoyenne, et c’est la République qui risque de basculer dans le néant.
La cacophonie qui règne au sommet de l’Etat après l’annonce par l’Elysée, dans la soirée d’hier, de l’annulation de la taxe carbone, venant contredire le Premier ministre qui a parlé dans l’après-midi de moratoire sur la hausse des taxes, présage d’un chamboulement profond. Certains avancent l’hypothèse du sacrifice du gouvernement, d’autres n’écartent pas l’annonce imminente de la dissolution de l’Assemblée nationale, quand les Gilets jaunes, eux, réclament le départ d’Emmanuel Macron, le préalable pour quitter les ronds-points et rentrer à la maison.
Largement évoquée et partagée par nombre d’éditorialistes – de zélés laudateurs après quelques succès au début du mandat, en réalité des fanfaronnades diplomatiques, avant de devenir très critique de la politique du président Macron, affublé, par ceux-là mêmes qui l’adulaient il y a peu, des attributs, outre «Président des riches», «Gourou illuminé» ou encore «Dictateur républicain» –, l’idée selon laquelle «le quinquennat est plié» est aujourd’hui dépassée et relève presque de l’anecdote. Il est, désormais, question du départ pur et simple d’Emmanuel Macron, contesté, conspué, haï et tenu personnellement pour responsable de la situation explosive à laquelle fait face le pays, et par son mépris et son arrogance du mécontentement et de l’exaspération des couches populaires et moyennes.
Entre Emmanuel Macron et le peuple, c’est fini. Le divorce est consommé bien qu’il se soit plié et ait accepté de satisfaire les revendications originelles des Gilets jaunes, excepté de revenir sur la réforme de l’impôt sur la fortune, ISF. La preuve que Macron a choisi son camp ; une démonstration des liens indéfectibles qui lient l’ancien banquier et les premiers de cordée, a ironisé un Gilet jaune.
En président disruptif, Emmanuel Macron a réussi à fracasser les codes, atomiser son flanc gauche, disloquer sa droite. Mais s’il venait à chuter, ce serait grâce, ou à cause, de ceux d’en bas. Il y a dix-huit mois, ils ne l’ont pas vu arriver, il ne les a pas vus venir, il y a dix-huit jours.
Emmanuel Macron a voulu la rupture avec le monde ancien, il a eu la fracture avec le monde réel.
M. S
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