Quand la police française imite Daech dans la répression des manifestants
Par R. Mahmoudi – Des images et des vidéos relayées sur les réseaux sociaux depuis jeudi montrent des dizaines d’adolescents français, pour la plupart des lycéens, alignés en rangs, genoux à terre, mains derrière la nuque ou le dos, tête baissée, encadrés par des policiers armés de matraques et de boucliers et très furieux. Une scène qui rappelle les camps de concentration de l’époque coloniale et, à bien des égards, les exécutions massives effectuées par les hommes de l’organisation terroriste Daech en Irak, en Syrie et en Libye et qui avaient suscité l’indignation du monde entier.
C’est ce que pense André Gunthert, maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, qui estime, dans une déclaration au Monde, que la vidéo de lycéens alignés à genoux, les mains sur la tête «a rappelé aux gens aussi bien l’attitude des prisonniers pendant la guerre que les exécutions de Daech… C’est une image qui réveille tout un tas d’associations».
Cela s’est déroulé jeudi à Mantes-la-Jolie, à l’ouest de Paris, suite à l’interpellation collective de 153 adolescents par les forces de l’ordre pendant des manifestations. Interrogé vendredi, le ministre de l’Education s’est dit «choqué» mais ne prend aucune décision. Même le préfet de police a reconnu l’horreur d’une telle pratique mais tout en jurant n’avoir reçu «aucune plainte pour maltraitance». Chose qui est, évidemment, difficile à admettre. De tels aveux rappellent étrangement, pour rester dans le contexte colonial, ceux des tortionnaires de l’armée française qui niaient mystiquement l’usage de la torture contre les suspects.
Du côté de la classe politique, la découverte de telles pratiques policières laisse méditatif sur le mythe d’un pays, la France, décrit comme la patrie des droits de l’Homme. Les réactions traduisent, en fait, un malaise profond. «Glaçant, inadmissible. Cela n’est pas la République. La jeunesse française humiliée. Mais que cherche le pouvoir sinon la colère en retour ?» s’est interrogé l’ancien candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon. «Intolérable», a commenté, pour sa part, l’ancienne ministre et directrice générale d’Oxfam France Cécile Duflot. Même le vice-président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale du parti de Macron s’est dit «indigné» par ces images.
R. M.
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