Ces présidents de partis qui ont dépassé de loin le 5e mandat
Par Bachir Medjahed – On ne demande pas aux partis de faire la révolution. C’est trop tard, l’élection est déjà là. Les chefs de partis, pour la plupart, sont assez vieux pour la révolution. Ils ont trop duré et ont dépassé, du point de vue symbolique, le cinquième mandat. Ils n’ont pas lâché les rênes du pouvoir. Le pouvoir ne se lâche pas, même dans l’opposition.
«Bouger», ce n’est pas fatalement tenter de faire la révolution mais cela contribue à intéresser les populations à la «chose» politique, au lieu de les en tenir éloignées avec, fatalement, la création d’un fossé entre les partis et les citoyens et entre le pouvoir et les citoyens. Quand les candidats à l’émigration clandestine scandent «Roma wala n’touma» (mieux vaut Rome que vous), cela concerne aussi bien le pouvoir que l’opposition.
Un tel vide politique sera toujours mis à profit par ceux qui n’ont pas intérêt à ce que la stabilité soit effective. Il y en a pour qui le pouvoir se conserve par les crises et il y en a d’autres pour qui le pouvoir s’arrache par les crises. Les uns comme les autres sont d’accord pour la crise quel qu’en soit le prix.
Qu’est-ce qu’un parti sans capacité ou volonté à prendre des initiatives sans calcul partisan car l’heure n’est plus au jeu politicien ? Qu’est-ce qu’un parti dans un champ politique qui ne soit pas le terrain de confrontations permanentes entre idées ? Pourquoi cette sorte d’hibernation ou d’inhibition de ceux qui devraient se comporter en acteurs politiques et non en figurants ?
La littérature politique algérienne a transféré vers la vie politique le concept de redressement appliqué au renversement du président de la République en juin 1965, pour qualifier de redressement le renversement des dirigeants des partis politiques. Le fait que ce mouvement de redressement ait pesé comme menace sur la stabilité interne des partis implique que les dirigeants de ces derniers n’ont pas accédé de façon «propre» à la plus haute hiérarchie partisane. Cela voudrait signifier également que le maintien à la tête des partis n’est pas dû au choix des militants. Cela pourrait à la limite supposer qu’il serait suscité par des éléments téléguidés de l’extérieur – on parle de rencontre objective entre intérêts.
On se rappelle que la presse avait rapporté les propos de la porte-parole du PT qui avait imputé au FLN les problèmes internes de son parti. Il en a été ainsi également pour le leader du FNA qui avait, lui aussi, dénoncé le FLN pour expliquer qu’il était menacé de redressement par le même parti.
Savoir et pouvoir donner un sens à leur existence même ? Il n’en demeure pas moins qu’en dehors des dirigeants du FLN qui veulent faire croire qu’ils ont une capacité d’initiative, c’est l’inhibition généralisée.
Pour ce qui concerne l’alliance, par exemple, il apparaît que les dirigeants du RND réagissent plus qu’ils n’agissent, placés par l’appropriation du Président par le FLN dans une situation de gêne car le président de la République est président d’honneur du FLN et non pas de l’alliance, ce qui contraint donc le parti du premier ministre et le MSP à donner plus que le FLN des éléments de justification à leur soutien à la candidature de Bouteflika. C’est le cas pour TAJ et le MPA.
A cette passe d’armes entre les dirigeants car eux s’expriment contrairement à leurs militants, ou plutôt contrairement aux encartés, car le militantisme semble être une denrée rare, les partis ne savent pas à quelle argumentation se vouer. Ils ne peuvent le savoir parce que seuls les dirigeants savent et construisent – en toute autonomie ? – la ligne directrice du parti et les attitudes stratégiques à «adopter» en fonction des contextes.
Quant aux partis de l’opposition, car il y a bien une opposition cependant neutralisée, même si elle n’est plus aphone, il conviendrait d’abord de bien définir le contenu de ce concept pour savoir exactement qui en est dedans, qui en est en dehors et qui n’en est ni dedans ni dehors, c’est-à-dire à ne pas savoir quoi faire.
Généralement, ceux qui ne sont ni dedans ni dehors n’ont pas de certitudes doctrinales. On dit d’eux qu’ils tiennent le bâton par le milieu.
Il ne faudrait alors pas oublier, au vu du réveil de certains partis à la seule approche des élections, que les perspectives fixées à l’action politique s’avèrent inchangeables et sont d’ailleurs demeurées inchangées, à savoir que c’est la question du pouvoir qui est au cœur des préoccupations et qu’on enregistre la continuité et non la rupture.
Le pouvoir, pourquoi ? Pour qui ? Tous les leaders de partis, sans exception aucune, verrouillent la porte d’accès à leur remise en cause. Ceux qui y sont à diriger le parti veulent continuer indéfiniment à y être et ceux qui n’y sont pas sont en attente d’opportunités pour les en déloger.
C’est la présidence à vie à la tête des partis, et cela est bien une tradition nationale, à n‘importe quel niveau de l’Etat, des instituions, des partis, des associations, toutes natures confondues, même pour diriger des mouvements de jeunes quand le dirigeant n’est plus jeune, même pour les associations dites de la famille révolutionnaire qui ne «révolutionnent» pourtant en rien.
Ni les partis ni tout le reste qui les suit, comme organisation de masse, ne sont devenus le creuset qu’ils devraient être, à savoir celui où on réfléchirait pour l’Algérie et pas seulement autour des enjeux de pouvoir et de ce que cela pourrait impliquer comme dividendes personnels.
Mais est-ce de leur faute ?
B. M.
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