Les aveux d’un djihadiste italien d’origine marocaine de retour de Syrie
De Rome, Mourad R. – L’Italie, qui a été relativement en marge du va-et-vient de jeunes Européens partis «démocratiser» la Syrie, découvre depuis quelques jours, effarée, son premier djihadiste repenti, candidat au retour.
Et quelques jours après l’appel du président américain, Donald Trump, sommant les pays européens de rapatrier de Syrie et à déférer à la justice les extrémistes de Daech faits prisonniers par l’armée américaine et ses alliés, nommément les «milices» kurdes, les médias italiens ont ainsi présenté le premier d’entre eux, Samir Bougana.
Natif de Brescia en 1994 et d’origine marocaine, ce djihadiste affilié à Daech se dit repenti et a, devant les caméras de la télévision italiennes, fait le récit de son parcours, l’ayant porté de la province lombarde à la ville bastion de l’Etat islamique Raqqa, en passant par la ville allemande de Biefield.
Et pour avoir fait une partie de sa scolarité à l’Institut technique industriel de Crémone, Samir Bougana parle parfaitement l’italien et s’exprime en veillant à ne pas correspondre au cliché du «djihadiste irréductible». Il dit vouloir renouer les contacts avec ses anciens copains et certains de ses parents, des oncles, résidant à Piadena et en Sicile.
Sur son choix de basculer dans le terrorisme, Samir Bougana reconnaît avoir pris cette décision en 2013, à l’âge de 19 ans : «Tout s’est passé de manière très rapide et très facile. On m’a donné le numéro d’un Syrien en Turquie, j’ai donc pris l’avion de Dusseldorf avec d’autres volontaires, direction Istanbul et le jour même j’étais à Antakya, dans le sud du pays. Une voiture nous a acheminés à la frontière avec la Syrie. Pas de police, pas de contrôle… Un autre contact nous a accueillis en Syrie.
Au nord de Lattaquié, dans une zone tenue par les djihadistes, des volontaires allemands et français nous encadraient et facilitaient notre intégration au groupe Jund Al-Sham, lié à la nébuleuse d’Al-Qaïda, les instructeurs étaient tchétchènes et étaient réputés pour leur férocité.»
En 2015, Samir Bougana dit avoir intégré Daech en rejoignant la ville de Raqqa, en compagnie de deux autres Marocains, mais bientôt l’entrée en jeu des forces russes et la violence des bombardements allaient vite les faire déchanter.
L’avancée triomphale de l’armée syrienne finira par ameuter ce contingent de djihadistes européens qui, dès 2016, commencèrent à planifier leur retour dans leurs pays respectifs, au grand dam de leurs multiples commanditaires.
C’est ainsi que Samir Bougana, après avoir envisagé initialement de se rendre au consulat d’Italie d’Istanbul pour se mettre à la disposition des autorités judiciaires de ce pays, a décidé en fin de compte de prendre attache avec un passeur qui lui a promis de l’introduire en Turquie moyennant 2 000 dollars mais qui, en réalité, agissait pour le compte des milices kurdes, qui depuis l’ont pris en charge, en attendant un éventuel échange de prisonniers.
Or, sentant s’approcher la menace de l’armée turque sur fond de retrait américain, ces dernières ont probablement saisi le récent appel de Donald Trump pour se dessaisir de ce fardeau et livrer ces centaines de jeunes djihadistes à des pays européens, qui auraient fait volontiers l’économie du retour de ces revenants.
Quant à Samir Bougana, il dit, la tête basse, regretter cette récente parenthèse de sa vie et se veut prêt à payer, devant la justice de son pays, l’Italie, le prix de son égarement.
M. R.
Comment (14)