Attentats de Berlin : la presse allemande accuse les services secrets marocains
Sadek Sahraoui – Selon un document interne divulgué par le magazine allemand Focus, les autorités allemandes ont expulsé un agent secret marocain du nom de Bilel Ben Ammar pour cacher son implication dans l’attaque du marché de Noël à Berlin en décembre 2016.
Bilel Ben Ammar, lui-même considéré comme un islamiste radical qui aurait planifié par le passé une autre attaque à Berlin, est ici associé à Anis Amri, le ressortissant tunisien qui avait foncé avec un camion volé dans un marché de Noël bondé du centre de Berlin en décembre dernier. L’attaque avait fait 12 morts et 60 blessés. Amri avait été tué par la police quelques jours plus tard en Italie.
Selon le document vu par Focus, Bilel Ben Ammar a rencontré Amri un jour avant l’attaque et pris des photos du marché qu’il a envoyées à un numéro de téléphone inconnu deux heures plus tard. Selon la même source, Ammar a peut-être même aidé l’assaillant à s’échapper. La séquence d’une vidéosurveillance mentionnée dans le document en question montre qu’un homme «avec l’apparence de Ben Ammar» avait frappé un homme à la tête avec un morceau de bois afin de permettre la fuite de l’assaillant. La victime est toujours dans le coma, rapporte Focus repris par la radio DW. Tout cela constituerait une nouvelle preuve pour le comité parlementaire chargé d’enquêter sur l’attaque qu’il y a bien anguille sous roche.
Le rapport indique, en outre, que neuf jours plus tard, la décision avait été prise d’exfiltrer Bilel Ammar, suspect et informateur de l’agence de renseignement marocaine. «Les autorités chargées de la sécurité et le ministère fédéral de l’Intérieur ont tout intérêt à ce que l’expulsion soit un succès», lit-on dans un courriel envoyé à la police fédérale et reproduit par Focus. Bilel Ben Ammar a été emmené d’une cellule à Berlin et transporté par avion en Tunisie le 1er février 2017.
Benjamin Strasser, membre du comité et parlementaire du Parti démocratique libre (FDP), a souligné certaines des nombreuses incohérences dans les actions du gouvernement. «Avec Amri, on nous a dit qu’il fallait des mois pour obtenir une expulsion, puis dans le cas de Ben Ammar, cela se produit très soudainement», a-t-il déclaré à DW.
Strasser et Konstantin von Notz, du parti vert, également membres du comité, ont qualifié la procédure du gouvernement de «très douteuse». Strasser a également ajouté que le gouvernement et les forces de sécurité utilisaient des «tactiques de tromperie et de dissimulation» pour rendre leur travail difficile. Il a ajouté qu’on leur envoyait des fichiers expurgés et qu’ils refusaient d’envoyer des témoins importants, tels que des personnes-ressources auprès des informateurs de la scène islamiste berlinoise.
Lors de l’audience de la commission parlementaire de jeudi dernier, le directeur de la police de Berlin au moment de l’attaque, uniquement connu sous le nom d’Axel B., a déclaré que Ben Ammar lui-même était devenu un suspect terroriste en novembre 2015, plus d’un an avant l’attaque d’Amri.
Le «centre de défense terroriste» central allemand (GTAZ), qui coordonne les informations de la police fédérale et de la police d’Etat, a déclaré à la police de Berlin que Ben Ammar préparait une attaque avec un autre islamiste. Le directeur de la police a ajouté qu’il ne savait pas pourquoi Ben Ammar avait été expulsé mais a ajouté qu’il ne croyait pas qu’Amri avait agi seul.
Vendredi, lors de la conférence de presse officielle du gouvernement, la porte-parole du ministère de l’Intérieur, Eleonore Petermann, a déclaré que son chef, Horst Seehofer, avait ordonné l’ouverture d’une enquête sur les informations contenues dans le rapport Focus qui a suscité la colère de plusieurs membres du comité parlementaire.
S. S.
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