Responsabilité
Par Sadek Sahraoui − De nombreux confrères de la presse algérienne croient avoir décelé dans l’attitude des autorités vis-à-vis de la contestation populaire contre le cinquième mandat une volonté de jouer la carte de l’essoufflement et de l’apaisement tactique. Sans vouloir offenser personne, il est à espérer fortement que nos amis analystes se trompent et que les décideurs n’ont pas retenu ces deux options. Ni celle de la répression d’ailleurs. Pourquoi ?
La réponse est d’une simplicité infantile. Miser sur l’essoufflement du large mouvement de protestation contre la décision du président de la République sortant de briguer un nouveau mandat est un véritable saut dans l’inconnu. Il s’agit d’une prise de risque qui peut être aussi coûteuse que celle consistant à ordonner aux forces de l’ordre de réprimer les manifestants.
Miser sur l’essoufflement de la mobilisation citoyenne est risquée car personne ne peut prévoir combien de temps elle pourra tenir. Il s’agit d’une inconnue ou d’une variable qui peut aller de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Les exemples des manifestations des Gilets jaunes en France ou des manifestations contre la dictature de Omar El-Béchir au Soudan prouvent qu’une contestation populaire peut durer des semaines voir même des mois, sinon des années.
Le cas de la Syrie montre que si malheureusement un pouvoir apporte de mauvaises réponses à la colère de la rue, celle-ci peut déboucher sur l’irréparable. Mais avant tout cela, il y a eu le Printemps noir en Kabylie qui a duré aussi des années alors que des excuses de l’Etat à la famille de Guermah Massinissa auraient pu éviter le drame que nous connaissons.
Autrement dit, ce que nous essayons de dire c’est que personne ne peut savoir ce qui peut se passer entre maintenant et l’essoufflement du mouvement anti-cinquième mandat, surtout qu’il ne s’agit pas d’un simple chahut de gamins. Le rejet du cinquième mandat est une lame de fond qui touche tout le pays. Et ce ne sont pas les couvertures a minima et très orientées des manifestations des marches par les médias publics qui permettront d’évacuer la pression ou de convaincre les gens de rentrer chez eux.
Dans l’état actuel des choses, tout le monde convient que l’Algérie ne peut pas se permettre de faire un saut dans l’inconnu et de prendre des risques inutiles. Nous sommes attendus au tournant par tout le monde. Les attitudes extrêmes ou aventurières ne sont donc pas permises.
Pour le moment, tous les indicateurs laissent entendre que la mobilisation se poursuivra jusque à ce que la rue soit entendue. Devant une telle situation, la sagesse recommande indubitablement d’admettre qu’une page est en train de se tourner. Le bon sens voudrait que l’on veille à ce qu’elle se tourne dans la sérénité et que l’on échafaude un plan de sortie de crise qui permettra à l’Algérie et à tous les Algériens de marquer à nouveau l’Histoire.
S. S.
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