Projet pour une deuxième République moderne
Par Pr. Nadji Khaoua – L’Algérie est à la croisée des chemins, après les manifestations populaires depuis le 22 février 2019 et jusqu’à celles grandioses du 8 mars qui resteront, à n’en pas douter, sculptées dans le marbre de la mémoire des femmes et des hommes dignes à travers les générations. Dorénavant, la conscience populaire patriotique que ces manifestations révèlent, canalisent nos efforts et obligent la communauté nationale à un nouveau saut qualitatif pour réussir l’érection d’une deuxième République algérienne moderne et sociale, dans le droit fil de Novembre 1954 et des principes de la Soummam.
Le chantier est immense autant qu’urgent. Le réussir est une obligation nouvelle à la hauteur des attentes populaires.
Ce travail, réfléchi depuis longtemps mais rédigé sous l’emprise des évolutions rapides du court terme, se veut une proposition modeste aux débats nécessaires et dont l’urgence se compte en heures, sans possibilités de louvoiement ou de ménagement d’un quelconque intérêt privé. Ces débats urgents doivent impérativement déboucher sur des décisions courageuses, mais surtout donnant la priorité, sur tout autre objectif catégoriel ou privé, à l’établissement d’une deuxième République moderne et sociale en Algérie.
Les décideurs de la mise en route du projet
L’Algérie, à l’instar de beaucoup de pays à travers le monde, dispose d’institutions comme le Haut Conseil de sécurité (HCS), dont la mission première est d’intervenir par la prise de décision ferme et définitive, d’application immédiate, lorsque l’intérêt suprême du pays le commande. Cette haute institution, dont beaucoup d’autres pays similaires ne disposent pas, est l’institution suprême idoine et la plus légitime possible pour initier le projet d’une deuxième République.
A mon avis, sa tâche urgente aujourd’hui est de choisir et nommer une Commission technique nationale et autonome de conduite du changement institutionnel vers une deuxième République. Cette commission aura les pouvoirs légaux de nomination, d’initiation de mesures et de législation à titre exceptionnel, jusqu’à l’achèvement de la période transitoire pouvant durer deux ans.
Quant aux membres de cette commission, ils doivent chacune et chacun d’eux être connu pour leur engagement patriotique, leur total désintéressement, leur autonomie par rapport à tous les régimes depuis 1979, année, selon mon avis, charnière dans le commencement du délitement de l’Algérie. Leur nombre doit être restreint. Leur décisions doivent être collectives et à exécution immédiate. Tous les moyens nécessaires doivent leur être assurés dès leur installation.
Tâches de la Commission technique nationale autonome
1- Dissoudre le gouvernement actuel.
2- Nommer un gouvernement technocratique transitoire pour deux ans.
3- Dissoudre tous les partis actuels.
4- Décréter le FLN patrimoine national dont le sigle est interdit à toute utilisation partisane.
5- Nommer une commission juridique formée d’experts autonomes des partis pour rédiger une nouvelle Constitution en s’inspirant de celle de 1989, dont un des articles interdit la constitution de partis sur une base religieuse.
6- Proposer l’ajout à la nouvelle Constitution d’un article décrétant l’inviolabilité du nouveau texte constitutionnel, quelles que soient les motivations.
7- Mettre en place une commission d’experts reconnus pour leur autonomie des pouvoirs politiques et des milieux du patronat actuel, pour tracer d’urgence un programme de redressement de l’économie nationale. Ces experts doivent remplir trois conditions impératives :
– Ne pas avoir collaboré en tant qu’expert avec les pouvoirs actuels.
– Ne pas avoir fait la promotion écrite de l’ex-projet de loi de 2006 concernant la vente d’une part des réserves en hydrocarbures.
– Maîtriser deux langues de travail au moins.
5- Dissoudre les deux chambres du Parlement (APN et Conseil de la nation).
6- Décréter que la seule voie légale d’intégration des institutions législatives sera désormais l’élection par les citoyens, sur proposition soit de candidatures indépendantes soit sur celles des nouveaux partis à agréer dont les critères de création et d’agrément seront fixés par la nouvelle Constitution.
7- Interdire tout monopole syndical.
8- Faire obligation immédiate à toutes les entreprises privées de libérer l’organisation syndicale de leurs salariés.
9- Mettre en place une commission d’experts spécialisés pour fixer une réglementation nouvelle avec application immédiate et un code déontologique sous peine d’interdiction définitive d’exercice, aux chaînes médiatiques privées.
9- Instituer immédiatement le week-end universel (samedi et dimanche) pour, d’une part, arrêter l’hémorragie des coûts supportés jusque-là et, d’autre part, empêcher toute instrumentalisation religieuse à caractère politique du vendredi.
10- Nommer une commission juridique d’experts pour enquêter sur les hommes d’affaires proches des cercles politiques en vue de :
a – Faire le point sur les crédits publics non remboursés, leur fixer des échéanciers à moyen terme (un à deux ans, selon les cas par ordre d’importance des crédits reçus) pour régulariser leur situation, sous peine de confiscation de leur patrimoine.
b – Faire le point sur l’évasion fiscale et fixer un échéancier ferme (six mois) pour régulariser sous peine de confiscation du patrimoine.
c – Faire le point sur les blanchiments de capitaux par les acquisitions patrimoniales à l’étranger. Les acquisitions patrimoniales faites de manière régulière sans recourir aux transferts illicites et au blanchiment de capitaux n’entraîneront aucune poursuite pour leurs propriétaires.
d- Demander l’aide des juridictions internationales pour nationaliser les patrimoines acquis sans justification légale en vue de les vendre aux enchères internationales au bénéfice du Trésor public. Interdire à vie aux personnes concernées par les blanchiments de capitaux à l’étranger toute activité économique, politique ou associative en Algérie.
Propositions de profils pour les membres
1- Etre de nationalité algérienne exclusive.
2- Etre d’une haute probité prouvée de manière irréfutable.
3- Ne pas être lié par une proximité familiale quelconque avec le personnel politique, le personnel syndical et le personnel patronal actuels.
3- Les membres choisis éventuellement pour leurs compétences scientifiques doivent disposer obligatoirement, sans aucune espèce de dérogation ou d’exception, d’un CV académique mentionnant des publications internationales dans leur domaine.
N. K.
Enseignant et chercheur
Ndlr : Les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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