Bouteflika, l’armée et le peuple
Par Mouloud I. – L’annonce du report des élections et la formulation d’une conférence nationale étalée jusqu’à la fin de l’année en projection de la refondation de l’Etat n’est pas sans renvoyer à l’avènement du coup d’Etat de 1965 où Boumediène, à la tête de l’armée, fut intronisé président qui, par soucis de légitimation, créa une instance dénommée Conseil de la Révolution dont les membres ont été cooptés sur des critères non démocratiques car non mandatés par le peuple à travers une élection pour l’édification d’un Etat qui devait survivre à la disparation des Hommes mais qui, en fin de compte, ne leur a même pas survécu puisqu’il s’est effondré en 1992 pour être régi par un régime d’exception.
S’en est suivit un processus de reconstruction entamé avec la conférence nationale de 1994 dite de consensus mais avec la même pratique de cooptation. Processus qui a finalement débouché sur la situation actuelle, un quart de siècle seulement. Ne survivant qu’à une seule génération.
En effet, avec ce report, la Constitution devient de fait caduque balayant ainsi toutes les institutions de l’Etat quoi que diront certains, mais les faits sont les faits et le temps ne manquera pas de le rappeler. D’où mon scepticisme déjà exprimé car nonobstant les questions liées à la légitimité, à la représentativité ou à la psychologie de la composante de cette conférence. Il faut l’admettre : les mêmes causes produisent les mêmes effets sans compter les dangers induits pour le présent.
Mais comment se fait-il que Bouteflika, universellement reconnu pour son intelligence et son expérience politique, propose une voie qui a maintes fois démontré son échec alors que pour des raisons qui me semblent évidentes et qui me convainquent personnellement, il a le souci d’imprégner à la nation une voie pour laquelle il sera loué par le peuple et honoré dans l’histoire de l’Algérie ? Ce qui est une ambition légitime pour un dirigeant au crépuscule de sa vie.
Alors, est-ce que cela constitue le dernier acte d’un diplomate reconnu chevronné profitant de cette mobilisation du peuple pour négocier directement avec lui une issue salutaire pour le pays et du coup honorable pour lui ainsi que pour ses compatriotes ? L’hypothèse, de mon point de vue, mérite d’être émise.
Il serait donc dans une phase de dialogue direct avec le peuple. Cela serait vraiment grandiose pour tous. N’a-t-il pas appelé un moment à la constitution d’un front populaire ? Initiative sabotée par le FLN (voir mon post intitulé «Histoire de recadrage»).
Sinon, comment interpréter le changement de discours du chef d’état-major de l’armée qui, après la rigidité affichée dans un premier temps, a viré à la conciliation réaffirmant l’adhésion de l’armée au peuple, ce qui pourrait être interprété comme un encouragement à ce dernier à continuer de s’exprimer comme il le fait par des marches pacifiques en guise de réponse aux lettres du chef de l’Etat, qui ne seraient en fait que des propositions dans le cadre d’un dialogue qui aura pour issue la définition d’un pacte qui consacrera l’impératif de sécurité cher à l’armée, l’exigence de justice, d’égalité et de liberté à laquelle le peuple est déterminé et la volonté de Bouteflika de continuer à œuvrer pour les réformes et la refonte du système comme annoncé.
Si la sincérité de tous est engagée, en évitant le stress que la situation ne manquera pas de produire, tout sera bien disposé pour apprécier un bon printemps.
Pour le moment, marchons vendredi pour exprimer notre voix.
M. I.
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