Faut-il s’agripper aux galons du chef d’état-major pour bâtir l’Etat de droit ?
Par Zoheir Rouis(*) – La vie politique réserve toujours des surprises, des bonnes et des moins bonnes, et ne manque pas de positionnements quelque peu déroutants.
C’est ainsi que l’on assiste, depuis la démission de Bouteflika, à un phénomène étrange chez certains acteurs qui se disent en symbiose avec le mouvement du peuple en cours contre le régime. Ces acteurs appuient les déclarations et actes du chef d’état-major Gaïd-Salah et réclament comme lui l’application des articles 7 et 8 de la Constitution.
Que disent ces articles ?
Art. 7. — Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple.
Art. 8. — Le pouvoir constituant appartient au peuple. Le peuple exerce sa souveraineté par l’intermédiaire des institutions qu’il se donne.
Si l’article 7 dit bien que la souveraineté nationale appartient au peuple, l’article 8 précise dans quel cadre elle s’exerce et précise que le peuple l’exerce par l’intermédiaire des institutions qu’il se donne. Or, présentement, quelles sont ces instituions ?
Il s’agit de l’APN, du Conseil de la nation et du gouvernement.
Par conséquent, appliquer l’article 8, c’est remettre la gestion de la transition aux faux députés et sénateurs de l’APN et du Conseil de la nation et donc accepter aussi que Bensalah (membre du RND d’Ouyahia, le parti de la fraude par excellence) conduise l’intérim.
Appliquer l’article 8, c’est accepter que Bedoui (ex ministre de l’Intérieur qui a piloté la fraude et interdit les partis, les associations, syndicats, les marches, les réunions, etc.) organise les prochaines élections.
Appliquer l’article 8, c’est accepter que Belaïz, au titre de président du Conseil constitutionnel, proclame les résultats du scrutin et le tout sous le sceau de Gaïd-Salah, chef des armées.
Appliquer l’article 8, c’est accepter que le régime change de façade et se perpétue pour 50 nouvelles années !
Faire référence à la Constitution, et en particulier à ses articles 102, 7 et 8 pour soutenir et couvrir Gaïd-Salah c’est se rendre complice du maintien du régime qui vient de se débarrasser de son boulet Bouteflika avec pour seul objectif, lui survivre !
Et ce ne sont pas ces positions mi-figue mi-raisin qui consistent à dire qu’il faut appliquer les articles 102, 7 et 8 et en même temps exiger le départ des «3 B» (Bensalah, Bedoui et Belaïz), tout en prenant soin de ne jamais évoquer le nom de Gaïd-Salah, qui permettront de rendre le message plus acceptable par le peuple qui réclame le départ de tous.
Lorsqu’on se réclame du respect de la Constitution, tout comme le fait Gaïd-Salah pour des raisons qui lui sont propres, on ne peut dans le même temps refuser les conséquences de cela, à savoir que Bensalah assure l’intérim, que Bedoui organise les élections et que Belaïz officialise et proclame les résultats, le tout sous le patronage de Gaïd-Salah pour sécuriser les résultats.
Il faut avoir un minimum de cohérence car le peuple n’en peut plus aussi de ces positionnements tactiques avec un pied dedans et un autre au dehors. Donc, soit on est pour la fin du régime, soit on est pour son redéploiement sous un autre visage.
La logique aurait voulu qu’en considère qu’à partir du moment où les élections du 18 avril ont été annulées, l’Algérie est de fait entrée en période de transition et la Constitution qui verrouille cette étape ne doit en aucun cas servir d’alibi au retour du régime. Il faut donc sortir de ce cadre à partir dès lors que la volonté populaire s’exprime à ciel ouvert et de manière nette et précise chaque vendredi au moins depuis le 22 février.
Ni l’article 102 ni l’article 8 ! Ils doivent tous partir et permettre à l’Algérie d’engager une période de transition menée par des personnalités intègres et désintéressées, qui s’engagent à ne pas se présenter aux prochaines élections. Une période de transition encadrée par les partis, les associations, syndicats et autres personnes engagées.
Des questions se posent
Pour quelle raison des partis et des personnalités engagées, du reste juristes pour certaines, ont donné publiquement quitus à Gaïd-Salah pour qu’il se débarrasse des Bouteflika, sans rien céder sur les demandes du peuple qui veut le départ du régime, de tout le régime et de tous ceux qui l’incarnent et qui s’étaient érigés en comité de soutien et de sponsors zélés des troisième, quatrième et cinquième mandats jusqu’à il n’y a pas si longtemps ?
Est-ce un positionnement tactique ou sont-ils «naïvement» tombés dans le piège de Gaïd-Salah ? Comment peuvent-ils se réclamer du mouvement populaire et s’aligner dans le même temps sur Gaïd-Salah qui jure de ne point sortir de la Constitution en prenant appui sur les articles de celle-ci pour confier la transition à Bensalah, Belaïz et Bedoui ? Quelle crédibilité pour vouloir s’ériger en porte-voix de la vox populi ?
La décantation et la clarification sont de mise et les louvoiements doivent cesser au profit de la concrétisation des demandes de notre peuple qui a été bien patient, indulgent et nettement responsable !
Z. R.
(*) Membre du conseil politique de Jil Jadid
NDLR : les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
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