L’Italie compte sur le soutien de l’Algérie pour contrer Khalifa Haftar en Libye
De Rome, Mourad Rouighi – A deux semaines du début de l’avancée des troupes du maréchal autoproclamé Khalifa Haftar sur la capitale Tripoli et des violents combats qui depuis font rage entre partisans de ce dernier et les forces soutenant Fayez Al-Sarraj, Premier ministre du Gouvernement d’union nationale, le cabinet italien, prenant acte de la gravité de la situation, a décidé de réagir et d’agir, notamment en constituant un comité restreint chargé du suivi de la question libyenne et dépendant directement du président du Conseil, Giuseppe Conte.
Une approche mûrie par le feuilleton de cette soudaine escalade, qui s’est enrichi hier d’un nouvel épisode susceptible de compliquer une situation déjà hautement explosive.
En effet, des voix proches de Khalifa Haftar ont ni plus ni moins menacé l’Italie de cibler ses intérêts dans le pays si elle ne se rangeait pas aux côtés d’autres nations, «la France, l’Egypte, les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite qui, elles, soutiennent cette mission réunificatrice et pacificatrice du pays».
Une douche froide pour la diplomatie italienne qui s’activait en coulisses pour aboutir à une trêve et un retrait des forces de l’Armée nationale libyenne de la ville de Tripoli et de ses environs, pour relancer le plan de paix des Nations unies et ce, dès les tout prochains jours.
Mais c’était méconnaître la volonté résolue des troupes de Khalifa Haftar qui ont bombardé, hier, un centre administratif près de Zwara, à quelques kilomètres des infrastructures de l’ENI et du site géré conjointement avec l’opérateur libyen Noc. Résultat : tollé des autorités de Rome qui dénoncent «une intention délibérée de viser la présence économique italienne dans ce pays».
Cet incident, relève le quotidien La Repubblica, n’est pas le premier du genre, puisqu’en février un autre centre situé non loin du site d’El-Feel, près de Melitah, également géré par Eni et Noc, fut bombardé par des troupes, là aussi sous l’autorité de Khalifa Haftar.
Décidée donc à réagir, l’Italie a voulu, dès hier, faire arriver trois messages aux belligérants et à leurs alliés arabes et européens (comprendre la France).
Tout d’abord, et selon des sources sûres, le Premier ministre Giuseppe Conte recevra, ce dimanche, à Rome le chef de la diplomatie qatarie, Mohammed Al-Thani, pour l’inviter à fournir un soutien substantiel au gouvernement de Fayez Al-Serraj et de coordonner avec la Turquie, autre alliée du gouvernement de Tripoli, l’octroi d’une assistance logistique et militaire pour stopper l’avancée des troupes de Haftar. Un pari risqué mais que l’Italie est bel et bien décidée à prendre.
Dans la soirée, Guiseppe Conte aura un entretien avec le vice-Premier ministre, Ahmed Maitig, dépêché par Al-Sarraj pour solliciter plus d’engagement en faveur du plan de Ghassan Salame et de la voie diplomatique.
De même, le comité restreint mis sur pied à Rome pour gérer le dossier libyen veut associer d’autres pays, dont l’Algérie, voire la Russie, pour un retour rapide à la solution négociée – une position soutenue par l’Allemagne – mettant fin aux combats, parant au risque de dégradation de la situation humanitaire et minimisant l’impact des violences sur la population civile.
Enfin, Rome est sur le point de lancer, d’un commun accord avec le Royaume-Uni, une initiative au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU appelant à un cessez-le-feu immédiat et un retour contraignant des divers interlocuteurs libyens à la table des négociations.
Ce faisant, assure un expert, les diplomates italiens espèrent mettre en échec la tentative de passage en force du président français, Emanuel Macron, visant à occuper un rôle central et privilégié dans l’ébauche de l’avenir de la Libye, à travers ce soutien déterminé à son nouvel allié Khalifa Haftar.
M. R.
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