Ce que l’ancien conseiller de Houari Boumediene a écrit sur le général Toufik
Par R. Mahmoudi – La chute spectaculaire et, semble-t-il, irrémédiable du mythique ancien chef des services de renseignements, le général Mohamed Mediene, dit Toufik, délie les langues et incite différents acteurs politiques à témoigner, pour une fois sans s’autocensurer, sur des épisodes auxquels ils étaient eux-mêmes mêlés.
Parmi ces personnages appelés un jour à occuper des postes de responsabilité dans une conjoncture particulièrement trouble et qui ont eu à se heurter à la «toute puissance» de l’ex-DRS, on trouve Mahieddine Amimour, ancien conseiller de Houari Boumediene, devenu plus tard ministre de la Culture et de la Communication dès le premier mandat d’Abdelaziz Bouteflika.
Réagissant à l’arrestation retransmise à la télévision du général Toufik, avec Bachir Tartag et Saïd Bouteflika, Amimour n’a pu cacher sa jubilation, en estimant que cette séquence marque «la réappropriation de l’institution militaire par le peuple, après avoir longtemps été entre les mains d’un cercle sécuritaire qui aura conduit le pays à sa destruction», écrit-il dans une contribution publiée par le quotidien arabe Raï Al-Yawm.
Parlant en sa qualité d’ancien responsable, Amimour atteste que «les services» avaient le premier et le dernier mot dans la nomination des cadres de l’Etat et des responsables à tous les niveaux – y compris donc lui-même ! – et qu’ils détenaient le pouvoir de décision dans tous les domaines d’activités.
«Le général Toufik, lit-on dans cet écrit destiné essentiellement aux lecteurs du monde arabe, (…) est celui que ses partisans et ses adversaires appellent »rab El-Djazaïr » (seigneur de l’Algérie), qui a joué un rôle déterminant dans les événements sanglants des années 1990 et dont l’image est sciemment mythifiée par les médias, à tel point qu’aucune photo de lui n’a été publiée durant près d’un quart de siècle».
L’auteur de la contribution poursuit son témoignage : «J’ai connu Toufik de loin durant les années soixante-dix. Je le voyais avec sa tenue de capitaine dans le cercle de protection qui entourait le défunt président Houari Boumediene. Il me semblait jeune, élégant, sympathique, calme et incapable de nuire à une mouche.»
Au début des années 1990, Amimour sera confronté pour la première fois, indirectement, à cet homme et à ses services. Suite à un article paru dans un organe du FLN où il cita nommément le nom du généralissime, le directeur de ce journal, Nadir Boulekroune, fut, selon l’auteur, convoqué et emprisonné pendant deux jours.
Selon Amimour toujours, le général Toufik avait ses hommes dans toutes les institutions, de la présidence de la République à la plus petite commune du pays, en passant par les ministères et les ambassades. C’est encore lui qui, d’après l’ex-ministre, en 1999, imposera la candidature d’Abdelaziz Bouteflika «à laquelle s’opposèrent avec vigueur le général Nezzar et le général Benyellès».
Sur sa lancée, Amimour, se référant à une confidence d’Abdelkader Hadjar, témoigne que le Président consultait Toufik en tout, «ce qui le rend de fait complice dans toutes les dérives qu’a connues le pays par la suite».
R. M.
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