Subtilité tunisienne
Par M. Aït Amara – Le dernier éditorial du magazine français Jeune Afrique sur l’évolution de la situation politique en Algérie est d’une subtilité exquise. Signé par son directeur, le Franco-tunisien Marwane Ben Yahmed, il dégage une exhalaison mitigée entre louanges à l’égard du peuple algérien et messages sournois de division entre celui-ci et son armée.
Il n’est pas nécessaire de payer l’abonnement et lire l’entièreté de l’article pour en subodorer la finasserie. Les premières phrases suffisent à révéler le caractère subreptice de l’analyse. «Alors que la contestation populaire qui a poussé le président Abdelaziz Bouteflika à la démission ne faiblit pas, le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd-Salah, a pris les rênes du pouvoir, menant une purge moins motivée par la soif de justice que par sa propre survie et la volonté de revanche contre l’entourage de son ancien maître» sert comme entrée au plat de résistance le journaliste parisien.
Jeune Afrique ne fait, à vrai dire, qu’en rajouter une couche aux commentaires des médias français et pro-français qui, en France ou à partir d’Alger, font écho aux peurs irrépressibles de l’Elysée qui craint que l’homme fort de l’ANP établisse l’acte définitif du divorce entre une Algérie qui cherche encore sa voie et une France qui l’en défléchit.
Aussi Jeune Afrique est-il mis à contribution pour flatter «l’immense mouvement populaire» algérien qui «semaine après semaine (…) a eu raison d’Abdelaziz Bouteflika» et «ne donne aucun signe d’essoufflement». Adresse habile à l’armée qui ne doit surtout pas se tromper sur son propre peuple. Car, écrit Ben Yahmed, en parfait appréciateur de l’architecture mentale algérienne, «il faudrait bien mal connaître les Algériens pour imaginer qu’il puisse en être autrement : jamais au cours de leur histoire ils n’ont cédé un pouce de terrain dès lors qu’ils avaient décidé d’affronter l’ennemi, quel qu’il soit intérieur ou extérieur».
L’ANP est donc avertie : la France ne permettra pas que l’Algérie lui glisse encore une fois entre les doigts. Elle a échoué à imposer le FIS, son califat et son économie de bazar grâce à l’intervention salutaire de l’armée en janvier 1992. Elle récidive, 27 ans plus tard, en tentant, via ses clairons, de la pousser à lâcher les commandes pour jeter l’Algérie dans le chaos et créer les conditions de sa ruine.
M. A.-A.
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