Abdelkader Bensalah ou le rôle anormal d’exécutant d’un «chef de l’Etat» effacé
Par Kamel M. – Le rôle du chef de l’Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, demeure ambigu. Désigné à ce poste conformément à la Constitution, l’ancien président du Sénat s’est retrouvé – malgré lui ? – propulsé sur le devant de la scène jusqu’à remplacer le portrait de Bouteflika qui était suspendu comme une épée de Damoclès sur les institutions de la République depuis vingt longues années.
Or, l’absence totale de charisme chez ce membre du Rassemblement national démocratique (RND) qui était dirigé d’une main de fer par Ahmed Ouyahia, aujourd’hui en prison, le relègue au second plan et en fait un exécutant effacé des ordres qui lui parviennent de la hiérarchie militaire, selon de nombreux observateurs. L’économiste Smaïl Lalmas, qui vient de démissionner du panel mis en place par l’état-major de l’armée pour imposer le dialogue selon sa perception propre, a confirmé cet état de fait en soulignant que le dernier discours du général Gaïd-Salah «est la preuve que c’est lui qui dirige».
Cette situation anachronique fait qu’Abdelkader Bensalah, chef de l’Etat, en théorie du moins, se retrouve être sous la férule d’un vice-ministre dans le gouvernement de Noureddine Bedoui. Cette anomalie politique est la conséquence logique du caractère illégitime du régime «déchu» duquel sont issus les tenants actuels du pouvoir.
En effet, l’entêtement du chef d’état-major de l’ANP à se conformer à la Constitution plusieurs fois triturée, héritée du système Bouteflika, a fait entrer le pays dans une crise politique inextricable du fait de l’absence d’une assise légale qui conférerait au pouvoir en place les attributions nécessaires pour conduire la période de transition qui devait déboucher sur le retour au processus électoral dans un délai maximum de quatre-vingt-dix jours.
Abdelkader Bensalah, dont le départ est expressément exigé par les citoyens, assure une couverture «constitutionnelle» au chef d’état-major de l’ANP dont les injonctions à travers ses discours controversés trahissent l’implication directe de l’armée dans le processus politique, au moment où les millions de manifestants qui crient leur rejet de tous les symboles du régime Bouteflika rejettent ouvertement l’Etat militaire incarné par le général contesté Ahmed Gaïd-Salah.
Le chef de l’Etat intérimaire qui a outrepassé ses prérogatives en procédant à des nominations et à des limogeages a-t-il le pouvoir d’étendre ces «remaniements» à la hiérarchie militaire, autrement dit, est-il habilité, puisqu’il s’est octroyé les prérogatives du président de la République et celles y afférentes de ministre de la Défense nationale de plein exercice, à opérer des changements à la tête de l’institution militaire ? Rien n’est moins sûr.
K. M.
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