Le panel de dialogue et la terre bénie de Dieu
Par Aziz Ghedia – On vient d’apprendre, par le biais de la presse électronique, que le panel de dialogue, présidé par Karim Younès, a eu des discussions avec 3 000 «personnalités politiques» qui sont toutes d’accord pour des élections présidentielles «dans les plus brefs délais». En fait, cette information est rapportée par le site Algérie 360(1) dans son édition du 31 août. Jusqu’à l’heure où je rédige cette note, elle n’existe nulle part ailleurs. Pourtant, en matière de lecture sur Internet, votre serviteur est comme une abeille qui butine d’une fleur à l’autre pour produire le meilleur miel possible. Alors, dans ce cas, comment prendre cette information ?
Information banale ?
Non. Pour moi, elle ne l’est pas. Je suis vraiment étonné qu’en un si court laps de temps, le panel ait pu recevoir autant de monde, écouter avec une attention toute particulière 3 000 personnes et conclure promptement que tout ce beau monde est dans le même état d’esprit, à savoir qu’il n y a que les élections présidentielles qui pourraient sortir l’Algérie de cette impasse politique. Non, M. Karim Younès, je ne crois pas à cette version des faits. Le panel, tel que je vois les choses personnellement, est boudé par la plupart des personnalités politiques. Les personnes que vous avez reçues, quel que soit leur nombre, ne sont pas à proprement parler des personnalités politiques. Ce ne sont, de mon point de vue, que des opportunistes envoyés par les partis de l’ex-coalition au pouvoir qui veulent d’une manière indirecte prendre part au dialogue. Sinon, comment expliquer que les Algériens, les vrais hirakistes, font à chaque fois irruption dans vos sièges de réunion pour vous chahuter et empêcher toute prise de parole par ces opportunistes ?
Ou alors faut-il prendre cette information avec des pincettes ? Devrons-nous attendre encore qu’elle soit confirmée par d’autres sites électroniques ou par la presse écrite ? Ne s’agit-il pas d’une fake news ? Ne s’agit-il pas d’une information émanant des mouches électroniques dans le but de provoquer doute et scission au niveau du hirak ? Beaucoup de questions de ce genre taraudent mon esprit. Mais je m’en tiens à une chose. La seule chose valable pour moi est de ne pas faire confiance à ce panel. Il n’est pas net. Boudons-le ! Ne dialoguons pas avec ces membres, ces commissions ou que sais-je encore ! Car de ce panel, il n’en ressortira rien d’intéressant pour le hirak. Ce panel obéit au doigt et à l’œil à ceux qui l’ont mis en place. Il n’est là que pour sauver le système. Or, le peuple manifeste depuis plus de six mois pour dégager tous les anciens symboles du système et sauver l’Algérie. Il est très important de ne pas «se couper le doigt au dernier épi».
Oh, my god!
C’est comme ça qu’il faut dorénavant s’exclamer, puisque l’anglais est appelé à jouer un rôle moteur, un rôle essentiel en Algérie. Sous prétexte que le français est la langue de l’ancien colonisateur, il a été décidé, par les «hautes autorités» du pays de reléguer cette langue au second plan. « Oh, my god!» est, pour ceux qui ne maîtrisent pas encore l’anglais, l’équivalent de «oh, mon Dieu !» On prononce cette expression quand on est sidéré devant un événement inattendu, un événement qui dépasse de par son ampleur ou de par sa particularité tout entendement. C’est ce qui m’est arrivé aujourd’hui. Je suis encore sous le choc. Tout ça pour ça ? Cela fait plus de six mois que le bon peuple bataille pour «dégager» le système, tout le système et ses sbires, et voilà qu’une énergumène vient de tout remettre en cause.
Invitée par le panel du pseudo dialogue, celle-ci vient de déclarer, sans sourciller, qu’elle «préfèrerait la dictature à un régime démocratique qui ne lui permettrait pas de sauvegarder ses valeurs» (sic). Et là, j’aurais aimé qu’elle s’étalât un peu plus pour nous dire quelles sont les valeurs auxquelles elle faisait allusion. Hier, je vous disais que ce panel – qui a reçu, selon les dires d’un de ses responsables, 3 000 personnalités politiques – ne comptait, en fait, que des opportunistes sans envergure politique, et voilà donc ce qui confirme de façon irrévocable mes premières impressions.
Il faut dire que si le hirak, pour une raison ou pour une autre, s’arrêtait, les carottes seront cuites et on ne verra jamais la démocratie s’installer sur cette terre que d’aucuns, dans un passé pas très lointain, pensaient qu’elle était bénie de Dieu.
A. G.
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