Que d’une oreille
Par Karim B. – Tout le monde parle au nom du peuple, mais personne n’écoute le peuple parler. Il ne se passe pas un jour sans que le chef de l’armée n’adosse ses laïus redondants et creux à la volonté du peuple qui, radote-t-il, adhère corps et âme à ses lubies. Il en va de même de ces pantins prétendants à la magistrature suprême qui collent aux talons du généralissime et qui se disputent ses faveurs pour occuper le siège d’El-Mouradia qu’il a entouré de barbelés jusqu’à ce que de son chapeau sorte le lapin qui lui assurera son impunité ad vitam ad aeternam.
Benflis, Tebboune, Mihoubi, Bengrina et Belaïd se disent tous candidats du peuple et s’ils ont décidé de lorgner la couronne, c’est uniquement pour écourter ses souffrances. Le panel du faux dialogue conduit par l’amuseur Karim Younès, l’autorité de cautionnement de la mascarade présidentielle de Gaïd-Salah, présidée par le servile Mohamed Charfi, la justice du téléphone réanimée quelques jours puis anesthésiée à nouveau, les médias prosternés pour un huitième de page de publicité gouvernementale, les députés simulateurs conçus par Bouteflika et adoptés par son successeur, tous s’attribuent la voix du peuple qui leur parvient déformée par le vent de la révolte qui les rend sourds aux cris d’indépendance et aveugles au désir irrépressible d’en finir avec le système hideux qui leur a donné naissance.
Quand le peuple dit non à voix haute à l’élection du 12 décembre, les cinq poulains de Gaïd-Salah se bouchent l’oreille par laquelle leur arrivent les bruits de la révolte et les épithètes que les citoyens adjoignent à leur nom pour décrire leur petitesse, et laissent les sommations de leur chef s’infiltrer «jusqu’au bout» du conduit auditif de l’autre oreille, obstruée par les ramas d’un système qui part en lambeaux.
Pendant ce temps, le peuple poursuit sa Révolution du sourire résolument et n’a cure des foutaises de Gaïd-Salah et ses ouailles qui entrent par une oreille et sortent par l’autre.
K. B.
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