Pourquoi le général Gaïd-Salah a décimé l’ex-DRS et épargne Abdelaziz Bouteflika
Par Dr Arab Kennouche – Dans la grande tentative de manipulation de l’opinion publique algérienne par le clan Bouteflika encore au pouvoir, beaucoup d’éléments du Hirak se sont laissés abuser, car mal informés sur un amalgame savamment entretenu par Gaïd-Salah et ses sbires pro-bouteflikiens et qui consiste à assimiler l’ancien DRS avec le clan Bouteflika. Il transparaît, malheureusement, dans les commentaires de nombreux citoyens et dans leur réaction passionnelle une envie de ne pas faire la part des choses et de renvoyer tout ce beau monde devant les mêmes tribunaux comme si l’ex-DRS équivalait à Bouteflika. Il est donc impératif de remettre les pendules à l’heure et de rétablir quelques vérités incontournables qui doivent guider tout citoyen dans la recherche de la vérité et dans sa dénonciation du système mis en place par Abdelaziz Bouteflika.
Le véritable pionnier dans la lutte anticorruption, donc de la dénonciation du clan, fut son patron aujourd’hui emprisonné, le général Toufik. Or, on entend chaque jour comme un son de cloche assourdissant et malintentionné de la part des tribunaux de Gaïd-Salah que l’ex-DRS serait une partie active de ce phénomène. Dans ses discours de caserne, Gaïd-Salah a étendu le concept de «îssaba» à tout membre des services de sécurité qui, justement, s’étaient plaints auprès de l’ex-président de la République de ce phénomène.
Les preuves que l’ex-DRS est le père de la lutte anticorruption contre le clan de Bouteflika sont innombrables, vérifiables en droit, et ont été remises à la justice. Les affaires Sonatrach I et II, Khalifa, de l’autoroute Est-Ouest, impliquant directement des ministres de Bouteflika, ont été établies, preuves à l’appui, et sont désormais connues du grand public. L’origine des enquêtes est l’ex-DRS sous la direction du général Toufik, aujourd’hui incarcéré pour avoir justement été «jusqu’au bout» dans sa recherche de la vérité et dans la protection des intérêts suprêmes de la nation.
Si les citoyens reprochent au général Toufik de ne pas «avoir agi plus tôt», ils commettent une erreur d’appréciation car ses droits et ses compétences ne lui permettaient pas d’aller au-delà des enquêtes préliminaires de sécurité. Les dossiers ont bien été établis mais n’ont pas donné de suite judiciaire par qui de droit. En aucun cas le DRS ne fut responsable de ce détournement.
Le véritable détournement fut opéré par le sommet du pouvoir, Bouteflika-Gaïd-Salah, qui fit obstruction au fonctionnement normal de la justice. Le plus grand coupable et instigateur du clan, Abdelaziz Bouteflika, est aujourd’hui libre alors que ceux qui ont voulu lutter contre ce fléau se retrouvent derrière les barreaux. De nombreux citoyens, malheureusement, se sont laissé abuser par le pouvoir de Gaïd-Salah qui a décrété que tout l’ex-DRS était membre de la «îssaba».
Mais pour quelles raisons ? Pour la raison évidente que le deuxième parrain du clan n’est autre que Gaïd-Salah lui-même qui a couvert son mentor pendant toutes ces années de corruption. Les dossiers de corruption lui étant été remis, il était dans l’obligation d’entamer des procédures de justice militaire et civile pour autant que les présumés coupables appartenaient à l’un quelconque de ces ordres. Or, Gaïd-Salah ferma les yeux sur de grandes affaires de prévarication des deniers publics de l’Etat touchant à la sécurité économique de l’Algérie. Les citoyens ont perdu de vue ce fait fondamental en mettant dans le même sac les enquêteurs patriotes du DRS et les grands traîtres à la nation, qui n’ont eu d’autre recours que d’enfermer tout le monde en prison avant que la vérité ne soit révélée.
La plus grande supercherie du clan, entendu comme le couple Bouteflika-Gaïd-Salah, qui ont délibérément occulté leurs crimes économiques, consiste actuellement à dissimuler le fait que Gaïd-Salah a toujours soutenu le 5e mandat de son parrain, jusqu’aux toutes dernières minutes avant que le Hirak se réveille. L’imposture de Gaïd-Salah à faire croire qu’il lutte actuellement contre la «îssaba» atteint son comble lorsqu’il ose, sans vergogne, jeter en prison tous ceux qui avaient entamé cette fameuse lutte. La raison principale : se protéger contre de logiques poursuites judiciaires sur la base d’une protection inégalable et historique de la véritable «îssaba».
Si Gaïd-Salah se prétend aujourd’hui le continuateur de cette véritable lutte anticorruption, au jour de la 40e sortie du Hirak, pourquoi ne convoque-t-il pas devant la justice son parrain, Abdelaziz Bouteflika, qui est le mieux renseigné et le plus apte à éclairer la justice sur ces années de crime économique, puisque autant Abdelaziz Bouteflika qu’Ahmed Gaïd-Salah se considéraient les continuateurs du pouvoir politique dans le cadre d’un cinquième mandat ? Pourquoi de nombreuses personnalités qui, jadis, régnaient dans les cercles du pouvoir économique, se retrouvent encore en liberté et pas du tout inquiétées par les soi-disant nouveaux justiciers ?
Enfin, un dernier élément que les citoyens ne doivent pas ingurgiter comme une vérité : l’amalgame concerne cette fois-ci non plus le volet corruption mais le soutien au 5e mandat par le général Toufik. Il est de notoriété que l’ex-chef du DRS ne souhaitait pas à l’origine de quatrième mandat et encore moins un cinquième, contrairement à l’actuel chef d’état-major. Le mythe d’un soutien à Bouteflika par le général Toufik est actuellement travaillé par les sbires de Gaïd-Salah pour créer l’amalgame dans l’esprit des Algériens entre l’ex-DRS et le clan de Bouteflika. Beaucoup de citoyens aujourd’hui ne parviennent pas à saisir que l’ex-DRS est le premier à avoir voulu stopper la machine infernale, dans la limite de ses prérogatives, de l’avancée de Bouteflika dans le cœur du pouvoir algérien. En d’autres termes, l’ex-DRS est bel et bien l’opposant le plus farouche à la dictature des Bouteflika, donc aux quatrième et cinquième mandats. Les citoyens ne doivent pas oublier cette vérité irréfragable.
Une question revient sans cesse sur les «tractations» entre Saïd Bouteflika et le général Toufik. L’origine du contact est bien Saïd Bouteflika, celui qui avait évincé le patron des services. Mais voyant le plus gros problème poindre à l’horizon, le général Gaïd-Salah, il eut l’audace de revenir vers l’ancien puissant chef du DRS afin de s’en débarrasser. Ce n’est que par souci de préservation des intérêts sécuritaires du pays que l’ancien chef du DRS tenta une ultime procédure de conciliation avec le général Zeroual. Aujourd’hui, dans l’état actuel de déliquescence des institutions sous Gaïd-Salah, on se rend compte de la pertinence de l’acte. Que les citoyens se rendent bien compte qu’il n’y a pas eu de «tractations» dans le dos de l’état-major de l’ANP, mais un dernier acte pour la patrie, même si celui-ci induisait de reprendre parole avec des criminels.
L’ex-DRS sait pertinemment que l’amalgame et la manipulation continueront dans le sens d’une collusion d’intérêts inventés de toutes pièces par le pouvoir en place. Cependant, avec un usage suffisant de la raison, nous sommes certains que chaque citoyen saura démêler le vrai du faux dans le fatras de détournements de la vérité que les locataires d’El-Mouradia ont préparé contre leur conscience.
A. K.
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