Valse de PDG à Sonatrach : genèse d’une instabilité émaillée de scandales
Par Abdelkader S. – Le géant pétrolier national a un nouveau président-directeur général depuis hier. Il remplace son prédécesseur qui vient donc d’être limogé quelques mois à peine après sa nomination. Qu’est-ce qui explique cette instabilité à la tête de la société publique qui assure l’essentiel des ressources financières du pays ? A quoi ces changements rapprochés sont-ils dus ? Des interrogations qui pourraient trouver une réponse dans l’enjeu stratégique que revêt cette compagnie dans le programme économique que le successeur d’Abdelaziz Bouteflika compte mettre en marche dans un contexte extrêmement difficile. Mais il n’y a pas que cela.
La Sonatrach a été éclaboussée par une série de scandales de corruption depuis sa prise en main par Chakib Khelil après l’avènement de l’ancien Président au pouvoir en 1999. L’ex-ministre, ami et homme de confiance de Bouteflika, avait instauré la rapine au sein du groupe qu’il dirigeait tout en présidant aux destinées du département de l’Energie et des Mines. Il ne voulait pas laisser la manne pétrolière lui glisser entre les doigts et a mis en place un système complexe qui permettait de détourner une partie de l’argent du pétrole. Deux procès s’ensuivirent après que l’ex-patron des services des renseignements, le général Toufik, eut diligenté une enquête qui aboutit au limogeage de Chakib Khelil et à l’emprisonnement de la quasi-totalité des dirigeants de la société. Mais l’affaire ne s’arrêtera pas là. Bouteflika avait désormais le «désobéissant» général Toufik dans le collimateur, pour avoir voulu juger son ami d’enfance alors que le Président s’était contenté de l’écarter du gouvernement.
Depuis, le groupe pétrolier national ne s’est jamais remis de cet épisode qui a grandement terni sa réputation, jusqu’à ce qu’une mesure de Bouteflika vînt épaissir le brouillard qui enveloppe la gestion de la société. Un personnage clé dans les scandales à répétition, Abdelmoumen Ould-Kaddour, emprisonné pour une affaire d’«espionnage au profit des Américains», sera réhabilité par l’ancien cercle présidentiel qui lui confiera les destinées du géant pétrolier au grand étonnement d’une opinion publique médusée, désarçonnée, ne comprenant pas «à quoi joue le pouvoir». Ould-Kaddour a laissé à l’Algérie une raffinerie en fin de vie qu’il a convaincu Bouteflika d’acquérir et pour la restauration de laquelle Sonatrach a dû contracter un prêt de 250 millions de dollars pour ce que les experts qualifient de «rafiot» et de «tas de ferraille».
Oublié un temps, le secteur de l’énergie fera parler de lui une nouvelle fois lorsque le gouvernement Bedoui, sur injonction des détenteurs du pouvoir réel sous Gaïd-Salah, et au firmament de la crise politique, fait adopter un projet de loi sur les hydrocarbures contesté par la majorité. Le texte, élaboré par les Américains à la demande de Chakib Khelil, avait été sorti du fond du tiroir après que Bouteflika l’eut remisé suite à son rejet massif au sein même du pouvoir, à l’époque. La présidente du Parti des travailleurs s’enorgueillissait d’avoir fait avorter le projet antinational de Chakib Khelil, mais des sources informées ont indiqué à Algeriepatriotique que l’ancien ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, s’y était farouchement opposé lors d’un Conseil des ministres houleux.
Le nouveau remplacement à la tête de la compagnie pétrolière nationale intervient, lui, au moment où un débat orageux bat son plein sur l’exploitation du gaz de schiste, depuis qu’Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé sur le sujet, provoquant une vague d’indignation dans une opinion publique déjà remontée contre lui, chez les experts et même auprès de certains ministres qui avaient, par le passé, eu à mettre en garde contre ce qu’ils ont jugé être une «calamité» qui ne sert pas les intérêts de l’Algérie.
Combien de temps le nouveau président-directeur général tiendra-t-il ? Cela dépendra de la feuille de route qui lui a été assignée et de sa capacité à résister à la tempête que le recours à l’extraction de cette énergie non-conventionnelle interdite ailleurs va provoquer.
A. S.
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