Revirement : les accusés accusent, les députés refusent, les maires cognent
Par Abdelkader S. – Elles sont déjà loin les images d’un Abdelkader Zoukh fuyant une population en furie à la basse Casbah après l’écroulement mortel d’un immeuble vétuste, d’Abdelmalek Sellal pleurant et suppliant le juge de ne pas le laisser mourir derrière les barreaux et de députés-automates levant la main approbatrice au moindre signal d’El-Mouradia.
Depuis le passage en force du 12 décembre dernier, les walis et les présidents d’APC se sont senti revigorés par les discours menaçants et haineux de l’ancien chef d’état-major de l’armée qui enjoignait, lui le vice-ministre, au ministre de la Justice, d’aller jusqu’au bout dans la répression du Hirak et l’emprisonnement de ses militants pacifiques. Les vidéos montrant des maires en arriver aux mains avec des citoyens désabusés qui réclament le minimum vital dans leurs bourgades abandonnées sont légion. Le syndrome Zoukh a disparu, et les «élus» locaux ont décidé de contre-attaquer violemment. Une échelle au-dessus, les walis multiplient les menaces à l’encontre des entrepreneurs et des subordonnés, flanqués des caméras des chaînes de télévision privées. Menaces que les sermonnés ne prennent évidemment pas au sérieux, sachant l’implication des autorités dans le blocage des projets et le retard de développement qu’accusent des régions entières du pays livrées à la rapine et aux magouilles.
Les députés, quant à eux, ont décidé de ne plus lever la main sur ordre. Non qu’ils aient été pris d’un soudain éveil de conscience, mais parce qu’ils savent qu’ils passent leurs derniers mois au Parlement et qu’ils ne gagnent rien à se plier aux ordres du pouvoir exécutif qui s’apprête à les sacrifier tous pour «satisfaire» une autre revendication du mouvement de contestation populaire qui ne faiblit pas, contrairement à ce qu’aurait espéré la nouvelle direction politique issue de la présidentielle imposée par Gaïd-Salah à partir d’une caserne. Il y a fort à parier que les membres de l’APN feront tout pour retarder l’action de Tebboune par instinct de survie. C’est que les députés n’ignorent pas qu’une fois le Parlement dissous ils perdront leur immunité de fait et seront jetés en pâture, comme leur collègue Baha-Eddine Tliba.
Enfin, les Premiers ministres et ministres jugés dans le cadre de l’affaire de l’«octroi d’indus avantages», non seulement réclament la convocation de l’ancien président de la République et de son frère dont ils estiment qu’ils sont les principaux coupables, mais défient le juge de prouver qu’ils auraient touché, ne serait-ce qu’un centime, de quelque supposée corruption.
De leur côté, les hommes d’affaires incriminés passent à l’attaque et entraînent tout le système juridique, économique et politique dans leur sillage, en se défendant d’avoir commis quelque infraction à la loi que ce soit. Ce qui n’est pas faux, leurs milliards incomptables ayant été brassés conformément aux textes votés par les députés et connus des juges.
Pendant ce temps, l’Algérie fait du sur-place.
A. S.
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