Le coronavirus ou la morbidité du système capitaliste
Par Mesloub Khider – L’été dernier, en août 2919, sur un ton délibérément apocalyptique et avec un lexique abondamment médical pour souligner le caractère pathologique et pathogène du système économique libéral, nous avions rédigé cette chronique prophétique sur l’état de morbidité avancé du pestilentiel capitalisme, publiée dans Algeriepatriotique. Le diagnostic établi l’an dernier est morbidement et épidémiquement d’actualité. Voici le texte initial intégral, republié sans aucune modification.
Les signes d’alerte de la phase dégénérative de l’économie libérale s’accentuent. L’électrocardiogramme du capitalisme indique que le cœur de l’économie mondiale est dans une phase d’essoufflement. L’économie est marquée par une contraction productive, guettée par une syncope commerciale. Son rythme de croissance enregistre une faiblesse d’activité. Son pouls de profitabilité ralentit. Son volume de circulation marchande dans le corps du commerce mondial en crise est menacé d’apoplexie économique, doublée d’une troisième mortelle conflagration hémorragique aux conséquences meurtrières, mondialement pandémiques en matière d’hémoglobine. Au reste, cette matière sanguinolente constituera prochainement l’unique moyen d’échange entre les pays en belligérance pour réguler la crise.
Aujourd’hui, rien n’arrête la morbidité du système capitaliste anémié. Aucune médication gouvernementale ou patronale ne peut guérir ce corps souffreteux moribond. Encore moins les onctions médicinales prônées par les charlatans politiciens de l’opposition réformiste de gauche comme de droite.
Une chose est sûre : depuis des décennies maintenant, le capitalisme, tel un toxicomane addict à la cocaïne, vit sous perfusion de crédit, alimenté par les banques, pourtant régulièrement asphyxiées par les défauts de paiement, comme lors de la dernière crise des subprimes de 2007-2008. En dépit de cette médication surdosée, administrée à coups de milliards de subventions publiques, le capitalisme frôle l’overdose. La survie de ce corps capitaliste drogué est en sursis. Plongé dans un coma artificiel économique, maintenu en survie à l’aide de sondes alimentées de subventions financières étatiques soutirées dans les caisses du budget social du peuple, réduit à la paupérisation au milieu d’une société d’abondance, son pronostic vital est engagé. Le compte à rebours est enclenché. Le crédit du capital s’effondre : auprès des banques qui lui octroient pourtant généreusement l’argent à taux zéro, comme auprès du peuple laborieux qui attend le moment opportun pour régler son compte à ce système mortifère. En tout cas, plus personne ne prête foi à ce système moribond. Ni n’accorde crédit à sa politique dégénérative. Ni à ses politiciens gangrenés par la corruption et la dégradation morale. L’heure des règlements de comptes avec le peuple spolié est venue.
Aujourd’hui, tous les indicateurs de l’économie capitaliste sont au rouge. Le moindre toussotement régional provoque un rhume mondial. L’apparition d’une bénigne grippe financière en Chine déclenche aussitôt des sueurs froides sur l’ensemble des places financières internationales, accompagnées d’attaques de panique agitant toutes les institutions économiques, déchaînant des convulsions au sein de tous les organes des corps étatiques, pris d’angoissantes inquiétudes sur l’issue de la crise.
Ainsi, à l’occasion de la dernière grave crise économique survenue en 2007-2008, tous les Etats capitalistes, affolés, se sont précipités pour injecter des milliards de dollars pour tenter de réanimer les banques, asphyxiées par les produits toxiques générés par l’insolvabilité de millions d’Américains propulsés, malgré eux, vers le rêve (illusoire et éphémère) américain, incarné par l’accession à la propriété privée, matérialisée par la possession de la majestueuse maison, connue de tous les téléspectateurs du monde entier grâce aux séries américaines hégémoniques, diffusées sur toutes les chaînes de télévision de tous les pays. Le cinéma impérialiste américain permet quotidiennement à chaque téléspectateur de tout le globe terrestre d’habiter virtuellement dans de somptueuses maisons, mais de dormir réellement dans son éternel taudis.
Depuis cette transfusion financière dans le corps bancaire malade pour renflouer ses coffres amputés de leurs sources boursières, évaporées sous l’effet du défaut de paiement de millions d’emprunteurs ruinés, la santé économique de tous les pays est toujours aussi fiévreuse, pathologique, invalide. L’économie mondiale ne s’est jamais remise de sa dépression. La chute a été trop brutale et profonde pour permettre une hypothétique rémission. Le corps capitaliste est encore gravement perturbé par les effets destructeurs de la dernière crise de 2007-2008. A l’instar des psychotropes qui soulagent l’anxiété avant de l’exacerber de plus belle, aucun rétablissement de santé économique n’est en vue. Bien au contraire, on s’attend à une rechute plus brutale.
Ainsi, en dépit des remèdes de cheval administrés à très forte dose financière alimentée par les fonds publics, pour lui assurer un prompt rétablissement, ces thérapies ne semblent d’aucune efficacité. Aujourd’hui, partout, la crise est à son paroxysme. La conjoncture économique est calamiteuse : baisse de la croissance chinoise, accroissement des protectionnismes, éclatement des accords commerciaux, exacerbation des tensions entre les Etats-Unis et la Chine, conflits militaires imminents, débâcle de l’Europe, effondrement des ventes, baisse de la production industrielle, explosion de l’endettement public et privé, défaillance des remboursements des dettes, progression du chômage, etc. Cette grave crise perdure en dépit des injections massives d’argent public, du soutien des Etats au moyen de subventions apportées aux entreprises et aux banques, grâce à l’argent du contribuable.
La dernière crise, aux effets toujours catastrophiques, marque une première dans l’histoire des crises du capitalisme. En effet, jusqu’à 2008, jamais l’Etat n’intervenait aussi massivement pour sauver les entreprises et les institutions bancaires en faillite. Les crises étaient résolues selon les normes de l’économie libérale : par la disparition des entreprises les plus fragiles. L’Etat laissait jouer les lois économiques du marché. En 2008, pour la première fois dans l’histoire du capitalisme moribond, l’Etat, refusant de laisser la crise se développer normalement par la liquidation des entreprises défaillantes, a décidé d’intervenir pour sauver avec les fonds publics les entreprises et banques menacées d’effondrement. Par crainte de voir toutes les entreprises s’effondrer par effet de domino, l’Etat a été acculé à intervenir pour soutenir les entreprises au moyen de l’endettement public porté à son summum. Par cette décision précipitée et improvisée de sauvegarde massive des entreprises et des banques, l’Etat venait de rompre ainsi avec les anciens cycles de crises résolues selon les lois de l’économie capitaliste : l’assainissement de l’économie par l’assassinat des entreprises et des banques les plus déficientes.
Autre nouvelle pathologie économique : les capitalistes n’investissent plus dans les secteurs de la production. Ils préfèrent investir dans la sphère spéculative. Signe d’une dystrophie musculaire économique : le capitalisme n’a plus la force de fonctionner comme à l’époque de sa flamboyante jeunesse productive. Atteints de sénescence, ils se réfugient désormais dans la spéculation financière, cette retraite anticipée avant l’heure de la chute finale, la mort imminente du corps capitaliste.
A l’heure actuelle, plus aucun capitaliste ne veut devenir industriel mais financier. De sorte que le capitalisme fonctionne désormais uniquement sur la finance, cette fabrique de la monnaie de singe très usitée dans la jungle économique contemporaine par les fauves de l’affairisme. Ces carnassiers financiers des temps modernes qui se nourrissent d’argent facile, tiré de la spéculation dévorante.
Mais accroître de manière exponentielle le capital sans augmenter en proportion les investissements productifs accélère encore davantage la pathologie mortelle de l’économie capitaliste. Surendettement et désinvestissement productif, voici à quoi est réduite l’économie parasitaire, capitaliste, sénile. Production atone, Etats surendettés, banques sur-subventionnées par les fonds publics, capitalistes devenus l’ombre d’eux-mêmes par leur fuite spéculative dans les hautes sphères de l’agiotage, ce sont là les signes d’une morbidité économique annonciatrice d’une agonie certaine.
De fait, les bouleversements politiques et sociaux actuels dans la majorité des pays, de la France avec les Gilets jaunes, en passant par l’Algérie avec le Hirak, à l’Angleterre avec le Brexit et le Venezuela avec la guerre civile larvée, toutes ces convulsions sont l’expression d’une crise économique systémique du capitalisme, symbole d’un dérèglement de l’organisme gangrené par le cancer financier, incarnation d’une atrophie productive, d’une étisie des profits industriels, d’une stérilisation des investissements dans la production.
Le capitalisme se meurt : aidons-le à mourir. Ce ne sera que la fin d’un monde (marchand), et non la fin du monde. Car sa mort contient déjà dans ses entrailles le nouveau monde humain (naissant), fondé sur la satisfaction des besoins et non sur le profit, sur la gratuité et non sur les rapports marchands. Avec sa disparition s’éteindront l’échange marchand, l’économie de marché (de dupes car ce sont toujours les puissants qui raflent la mise) et le pouvoir de l’argent, vecteur de toutes les pathologies sociales inhumaines.
La «civilisation capitaliste» a atteint une telle phase de dégénérescence que se résoudre, enfin, à l’euthanasier révolutionnairement, puis l’ensevelir dans le cimetière de l’histoire, dans le «carré» réservé aux systèmes barbares, est aujourd’hui l’action la plus salvatrice de l’humanité.
M. K.
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